Les contributions des Autochtones à la Première Guerre mondiale

Pour une liste exhaustive des sources d’où provient cette information, voir la bibliographie.

Durant la Première Guerre mondiale, des milliers d'Autochtones se sont enrôlés volontairement dans les Forces canadiennes. On ignore le nombre exact, mais on estime que plus de 4 000 Autochtones ont servi dans les Forces lors de ce conflit.

Chef Joe Crow et Nick King, près de Fort Macleod, en Alberta, en 1918
Archives de Glenbow, NC-10-48
107e Bataillon, Compagnie A, subalternes.
Au premier rang, à gauche, on voit le lieutenant Oliver Martin et à l’arrière, à droite, le lieutenant James D. Moses
Collection John Moses

Environ le tiers des membres des Premières Nations au Canada âgés de 18 à 45 ans se sont enrôlés dans l'armée à cette époque. Des soldats métis et inuits ont également pris part au conflit, mais seuls les Indiens inscrits étaient officiellement enregistrés par le Corps expéditionnaire canadien (CEC). Les soldats autochtones se sont joints, avec d'autres Canadiens, aux diverses unités du CEC. Ils ont servi dans tous les principaux théâtres d'opérations de la guerre et participé à toutes les grandes batailles auxquelles les troupes canadiennes se sont livrées. Des centaines d'entre eux ont été blessés ou sont morts sur des champs de bataille étrangers. De nombreux Autochtones se sont distingués comme soldats talentueux et compétents. Parmi eux, au moins 50 ont reçu des médailles de bravoure et d'héroïsmeNote de bas de page 1. Les femmes autochtones ont contribué à l'effort de guerre sur le front intérieur de diverses façons, notamment, en organisant des collectes de fonds. À leur retour de mission, de nombreux anciens combattants autochtones ont dû de nouveau affronter le traitement inégal qui leur était réservé avant la guerre. Les anciens combattants autochtones n'obtenaient pas les mêmes avantages que leurs vis-à-vis non autochtones.

Recrutement de soldats autochtones

Cadets des Blood, école St. Paul, à Pincher Creek,
en Alberta
Juillet 1912
Archives de Glenbow, NA-1811-44

À l'aube de la Première Guerre mondiale, le Canada ne disposait d'aucune politique officielle concernant le recrutement d'Autochtones. Initialement, les Autochtones n'étaient pas encouragés à s'enrôler, mais avec le temps, la politique est devenue plus favorable à leur enrôlement et recrutement. Au cours des premiers mois du conflit, il arrivait que des Autochtones qui souhaitaient s'enrôler soient refusés, tandis que d'autres étaient acceptés. Le taux élevé de pertes et le besoin d'accroître le nombre de troupes ont entraîné la mise en place de nouvelles politiques au sujet des recrues autochtones. En 1915, des représentants des forces armées et du gouvernement ont assoupli les restrictions, publié des lignes directrices officielles et autorisé le recrutement d'Autochtones. En 1917, le gouvernement a joué un rôle accru en ce sens afin de répondre au besoin d'effectifs. Des agents des Indiens organisaient des activités de recrutement dans les réserves afin d'encourager les membres des Premières Nations à s'enrôler. En août 1917, la Loi du Service Militaire a imposé la conscription, c'est-à-dire l'enrôlement obligatoire au service militaire, pour tous les sujets britanniques en âge de servir. La Loi ne prévoyait aucune exemption pour les Indiens visés par un traité, lesquels s'attendaient pourtant à être exemptés, car ils ne détenaient pas les droits inhérents à la citoyenneté qui obligeaient les citoyens canadiens à s'enrôlerNote de bas de page 2. Certaines Premières Nations ont fait valoir que les promesses faites durant la négociation des traités les dispensaient de la conscription aux guerres à l'étrangerNote de bas de page 3. La conscription était en fait un sujet extrêmement litigieux. Le ministère des Affaires indiennes a reçu des lettres de Premières Nations réclamant qu'une exemption soit accordée aux Indiens inscrits. Beaucoup de non-Autochtones les ont appuyés publiquementNote de bas de page 4.

L'opposition soutenue des Premières Nations a porté ses fruits, et le 17 janvier 1918, un décret (C.P. 111) a été pris soustrayant officiellement les Indiens inscrits à l'obligation d'assumer des fonctions de combattant. Les Indiens inscrits pouvaient tout de même être appelés à jouer un rôle de non-combattant au Canada, mais ce décret faisait en sorte qu'il était plus facile de demander à être dispensés de service afin de travailler dans le secteur industriel ou agricoleNote de bas de page 5. La question de l'exemption pour les Inuit ou les Métis ne s'est jamais posée. Même si les membres des Premières Nations ont finalement été exemptés de la conscription, cette histoire a suscité la méfiance des Autochtones à l'égard du gouvernement et pourrait même être la cause du taux légèrement plus faible d'enrôlement à la Seconde Guerre mondiale.

Le recrutement des Autochtones a eu diverses incidences sur leur collectivité d'origine. En l'absence d'un si grand nombre d'hommes dans les collectivités, les travaux agricoles, la chasse et d'autres tâches revenaient aux femmes, aux enfants et aux aînés. Les collectivités autochtones étaient également divisées sur la question de la promotion de l'enrôlement, ce qui était une source de tension. Les individus qui sont restés au Canada ont trouvé du travail assez facilement dans des usines de munitions et d'autres industries de guerre, ce qu'on considérait comme une contribution patriotique. Malgré le nombre accru d'emplois, bon nombre de collectivités autochtones ont connu des difficultés financières pendant et après la guerre. Par exemple, lorsque les anciens combattants sont revenus, les hommes autochtones qui s'étaient trouvé un emploi ont été contraints de le quitter pour laisser la place aux anciens combattants qui revenaient au pays. L'industrie du temps de la guerre a eu une incidence négative sur les moyens de subsistance traditionnels, tels que la chasse et la pêche, en raison de la faible demande au pays et à l'étranger. Le gouvernement offrait des indemnités de départ pour aider les familles des recrues, mais, souvent, les fonds étaient insuffisants ou n'étaient pas remis aux personnes qui en avaient besoin.

Enrôlement des Autochtones

Insigne du 107e Bataillon
Musée canadien de la guerre

De façon générale, le pourcentage d'hommes autochtones qui se sont enrôlés est égal à celui des non-Autochtones, et même plus élevé dans certaines collectivités. Beaucoup d'Autochtones ne parlant ni français ni anglais se sont enrôlés. On a tenté à plusieurs reprises de constituer des unités ne comprenant que des Autochtones. Au départ, on a remarqué une réticence, mais après 1915 et en raison d'une politique semblable en Grande-Bretagne, la formation d'unités autochtones a débuté. Les opinions étaient variées, tant positives que négatives, au sujet de la mise en place d'unités autochtones. En fin de compte, deux bataillons ont été formés : le 114e Bataillon appelé Brock's Rangers et le 107e Bataillon Timber Wolf. Le nombre de recrues était insuffisant pour constituer un bataillon autochtone complet; on a alors recruté d'autres soldats canadiens. Même si aucun autre bataillon n'a fait mieux que le 107e et le 114e Bataillons quant à l'enrôlement d'Autochtones, d'autres bataillons comportaient un pourcentage élevé d'Autochtones. Le nombre d'Autochtones enrôlés était le plus élevé dans les régions près des collectivités autochtonesNote de bas de page 6.

Insigne du 114e Bataillon
Musée canadien de la guerre

En s'enrôlant, les Autochtones pouvaient mettre à profit leurs aptitudes traditionnelles, par exemple le pistage, le suivi, la chasse et la navigation, afin de démontrer leurs capacités à l'échelle mondiale. De nombreux garçons, trop jeunes pour servir, se sont quand même enfuis de la maison pour s'enrôler. Les Autochtones se sont enrôlés pour diverses raisons, notamment pour toucher un salaire stable, parce que des amis ou parents s'étaient déjà enrôlés, par goût de l'aventure, pour voyager un peu partout dans le monde, et aussi pour des motifs patriotiques. Une autre raison de l'enrôlement consistait à honorer la relation passée entre les peuples autochtones et la Couronne britannique durant la guerre de 1812Note de bas de page 7.

Même si les taux d'enrôlement étaient élevés, la volonté de s'enrôler n'était pas généralisée. Dans certaines collectivités, par exemple les Six Nations en Ontario, les aînés décourageaient les jeunes de s'enrôler. Malgré tout, partout au Canada, les taux d'enrôlement des Autochtones étaient élevés, selon les rapports annuels des Affaires indiennesNote de bas de page 8. Dans l'est du pays, par exemple, environ la moitié de la population admissible des Mi'kmaq et Malécites s'est enrôlée. Les taux d'enrôlement de l'Ontario et du Québec ont été parmi les plus élevés, surtout en Ontario. Dans l'Ouest du pays, différentes collectivités ont affiché des taux d'enrôlement remarquablement élevés par rapport à la population totaleNote de bas de page 9. Sans doute en raison de la lenteur des communications et des voies de transport restreintes, peu d'hommes inuits des Territoires du Nord-Ouest se sont enrôlésNote de bas de page 10. Précisons toutefois que 15 hommes ont parcouru des milliers de kilomètres depuis le Labrador afin de s'enrôler. On croit qu'un nombre important de Métis se sont enrôlés, mais le nombre total de Métis n'a pas été consigné, car les dossiers de l'époque ne différenciaient pas les Métis des autres personnes enrôlées.

De façon générale, les femmes ne pouvaient pas s'enrôler à titre de soldates pendant la Première Guerre mondiale, mais elles ont pu s'enrôler afin d'occuper des postes d'infirmière. Il existe peu de documentation écrite sur l'enrôlement des femmes autochtones comme infirmières.

Expérience des soldats autochtones pendant la Première Guerre mondiale

Recrues cries de File Hills en Saskatchewan
De gauche à droite : David Bird, Joe McKay, Leonard McKay,
Leonard Creely, Jack Walker, Harry Stonefield
Octobre 1915
Archives de Glenbow, NA-4611-41

Pour la plupart, les soldats autochtones et non autochtones ont vécu une expérience semblable pendant la guerre. Le passage à la vie militaire était au départ difficile pour certains Autochtones, car bon nombre d'entre eux provenaient de régions éloignées où ils vivaient en fonction de leurs propres traditions culturelles. Ils avaient peu de contacts avec les Canadiens à l'extérieur de leur collectivité et, souvent, ils ne parlaient ni le français ni l'anglais. La plupart des Autochtones se sont adaptés rapidement à la vie de soldat et se sont imposés comme membres importants de leur compagnie. À l'instar de la majeure partie des Canadiens, de nombreux Autochtones ont servi dans l'infanterie dans le Corps expéditionnaire canadien (CEC). Le rôle militaire des Autochtones a été influencé par leur adresse de chasseurs et leurs compétences militaires ainsi que par les préjugés raciaux des officiers du recrutement et des chefs militaires. De nombreux Autochtones ont été des tireurs d'élite ou des éclaireurs de reconnaissance : ces fonctions figurent parmi les plus dangereuses des forces militaires. D'autres ont servi dans des unités d'appui dans le CEC, y compris les troupes des chemins de fer, les compagnies de creusement de tunnels et les unités des forêts.

Les restrictions militaires étaient contraires à certaines traditions autochtones. Ainsi le respect des demandes militaires s'est avéré difficile. Par exemple, certains soldats autochtones ont été réformés parce qu'ils refusaient de se couper les cheveux. Par ailleurs, leur approche quant aux grades était différente. La tradition autochtone stipule qu'il n'y a pas de différence marquée entre les chefs de guerre et les guerriers. Les relations entre les guerriers et les chefs de guerre étaient plus familières et empreintes d'égalité. Un guerrier était autorisé à contester les plans d'un chef et, s'il n'était pas d'accord avec ceux-ci, il pouvait se retirer du groupe guerrierNote de bas de page 11. Par contraste, le Corps canadien présentait une hiérarchie militaire rigide, qui faisait une distinction nette entre les officiers et les autres grades.

Coupe de céréales à l’aide
d’un tracteur [191-]
Archives de l’Ontario, C 223-4-0-0-7

La vie du soldat consistait à attendre l'ordre d'engager le combat contre l'ennemi et à composer avec les sentiments d'ennui et de tension, d'anticipation et d'appréhension. La patience était une qualité importante pour les tireurs d'élite, car ils devaient souvent attendre sans bruit jusqu'à ce que l'ennemi s'approche. La description des soldats autochtones de la vie dans les tranchées était plus positive que celle des soldats non autochtones.

L'avantage le plus important du service de guerre des Autochtones était l'interaction entre les Autochtones et les non-Autochtones, qui n'était pas fréquente dans la société canadienne avant la guerre. En servant avec des soldats autochtones, les soldats canadiens ont pu mieux comprendre ces soldats et surmonter les nombreux préjugés négatifs. Les soldats autochtones étaient perçus comme très importants et ils étaient appréciés au sein de leurs unitésNote de bas de page 12.

Politiques de guerre du Canada sur le front intérieur

Pendant des décennies, la politique gouvernementale visait à encourager les Autochtones à s'installer dans les réserves et à cultiver la terre. La Première Guerre mondiale a suscité une transformation, au Canada, c'est-à-dire le passage d'une économie agricole à une économie industrielle. L'agriculture représentait toujours un secteur important pendant la guerre et les Autochtones du front intérieur ont effectué des contributions de taille à ce chapitre. En 1917, Arthur Meighen, ministre de l'Intérieur et chef des Affaires indiennes, a lancé le programme de « grands efforts de production », qui visait à accroître la production agricole.

Ce programme offrait des incitatifs aux Canadiens afin qu'ils s'installent sur des terres, qu'ils exploitent ces terres en faisant de l'agriculture et qu'ils produisent des aliments pour nourrir les soldats ainsi que les Canadiens au pays. Le projet encourageait en outre les Autochtones et les non-Autochtones à faire de l'exploitation agricole plus intensive. Le « grand effort de production » faisait appel à des terres autochtones non exploitées, à des terres fertiles situées dans des réserves, qui n'étaient pas utilisées pour une exploitation agricoleNote de bas de page 13. Ces terres seraient louées pour un maximum de cinq ans à des agriculteurs non autochtones en vue d'une « utilisation adéquate » ou pour mettre en place des fermes à grande production (des expériences agricoles gérées par le gouvernement fédéral situées sur des terres de réserves de l'Ouest). Le plan de grande production a été critiqué publiquement par certains non-Autochtones au Canada, qui prétendaient que ce plan ne correspondait pas aux intérêts des Premières Nations. De plus, la Loi sur les Indiens précisait que les terres des réserves ne pouvaient pas être expropriées pour quelque motif que ce soit, sans le consentement des bandes en cause. Pour faciliter la mise en œuvre du programme, le gouvernement a modifié la Loi sur les Indiens en 1918, éliminant ainsi l'obligation d'obtenir le consentement des Autochtones. Après la guerre, les fermes à grande production étaient toujours exploitées et on a mis un terme à ce projet en 1922.

Autochtones et front intérieur

Les hommes et les femmes autochtones ont contribué grandement à l'effort de guerre sur le front intérieur pendant la Première Guerre mondiale. De nombreuses collectivités autochtones et leurs membres ont fait de généreux dons en argent à divers fonds de guerre. Plusieurs collectivités ont établi leurs propres sections de la Croix-Rouge et des lignes patriotiques par le biais desquelles ils ont réuni des fonds pour l'effort de guerre. Ils ont aussi donné des aliments, des vêtements et d'autres marchandises à des organismes de secours et ils ont acheté des obligations de la Victoire. Ces contributions patriotiques ont été perçues comme un moyen de soutien différent, effectué à la place d'un service militaire, car certains Autochtones s'opposaient au service, à l'étranger, de membres de leur collectivité, mais ils souhaitaient tout de même contribuer à l'effort de guerre. Même si de nombreuses familles autochtones devaient quotidiennement composer avec une situation financière précaire, elles ont fait preuve de générosité et fait des dons pour l'effort de guerre. À la fin de la guerre, les Autochtones avaient donné près de 45 000 $ au fonds de guerre. Les Canadiens ont alors remarqué peu à peu ces contributions et ils les ont appréciées avec enthousiasme. Des journaux et des magazines partout au pays soulignaient les efforts des Autochtones pendant la guerre, surtout dans les collectivités dont la proportion d'Autochtones était élevée. Rapidement, les dons des Autochtones sont devenus une forme de propagande qui incitait les Canadiens non autochtones à effectuer des donsNote de bas de page 14. Les Autochtones n'appuyaient pas tous la guerre ou les politiques sur la guerre. Certains d'entre eux ont produit des pétitions afin que les soldats de leurs collectivités reviennent au pays. De nombreux Autochtones s'opposaient au recrutement actif dans les réserves et on remarquait une opposition d'envergure, dans les collectivités autochtones, à l'instauration de la conscription en 1917.

Aux prises avec une pénurie de main-d'œuvre, les employeurs n'hésitaient pas à embaucher des Autochtones. Ainsi, les hommes qui étaient trop jeunes ou trop vieux pour s'enrôler ont décroché un emploi dans un marché du travail en pleine expansion. Par exemple, en 1914, 200 travailleurs des Premières Nations, hommes et femmes, travaillaient à l'Anglo-British Columbia Packing Company, une fabrique de conserves de poisson, ce qui représentait 32 % de l'effectif de cette compagnie. En 1917, le nombre de travailleurs des Premières Nations avait grimpé à 550, soit 42 % de l'effectifNote de bas de page 15.

Contribution des femmes autochtones

Photo portrait de Charlotte Edith
Anderson Monture, AEF
Collection John Moses

Les femmes autochtones ont effectué une importante contribution à l'effort de guerre du Canada. Les femmes n'étaient généralement pas autorisées à s'enrôler dans les forces militaires à titre de soldates pendant la Première Guerre mondiale, mais de nombreuses femmes canadiennes ont servi comme infirmières à l'étranger et au front intérieur. Le nombre d'infirmières autochtones du Canada est impossible à déterminer, car le service des femmes autochtones n'a pas été consigné. On a des renseignements sur une infirmière des Premières Nations, Charlotte Edith Anderson Monture, la première femme des Premières Nations à occuper un emploi d'infirmière qualifiée au Canada. Au moment du déclenchement de la guerre, elle vivait aux États-Unis; elle s'est jointe à la Force expéditionnaire américaine, Corps des infirmières de l'Armée, et elle a servi en France de 1917 à 1919. Ensuite, elle est retournée chez les Six Nations au CanadaNote de bas de page 16.

Il était plus courant pour les femmes autochtones de demeurer au front intérieur afin de s'occuper de leur maison et de leur collectivité, d'élever leurs enfants ou d'exploiter les fermes familiales pendant que les hommes étaient partis à la guerre. Les femmes autochtones ont contribué au front intérieur en exécutant des activités de bienfaisance par l'entremise de la Croix-Rouge et d'organismes patriotiques. Le premier organisme patriotique des femmes autochtones a été la Ligue patriotique des femmes des Six Nations (LPFSN), qui a été mise sur pied dans les réserves en Ontario, en octobre 1914. Ces organismes ont contribué à l'effort de guerre en fournissant des articles aux soldats, notamment des chaussettes tricotées, des chandails, des cache-col et des bandages. Même les jeunes filles des collectivités autochtones produisaient des articles faits à la main qui étaient envoyés aux soldats. Elles ont aussi amassé des vêtements, de l'argent et des aliments à envoyer à l'étranger. Les femmes ont même organisé des événements sociaux et des ventes de charité où des objets d'artisanat traditionnels, des paniers faits à la main et des broderies perlées étaient vendus pour réunir des fonds pour l'effort de guerre. Les sociétés des femmes autochtones ont ainsi amassé des milliers de dollars.

Une fois que le 114e Bataillon, composé principalement d'Autochtones, eut été mobilisé, les femmes des Six Nations ont formé une autre société, la Brock's Rangers' Benefit Society, en février 1916. Cette société fournissait des objets pour les soldats autochtones de ce bataillon, et elles réunissaient les fonds nécessaires à l'aide de réceptions en plein air et de jours de collecteNote de bas de page 17. Des membres de la Ligue patriotique des femmes des Six Nations ont brodé un drapeau spécial, à l'intention du 114e Bataillon, qu'elles ont décoré de symboles iroquois.

Les femmes autochtones ne pouvaient pas tirer avantage de la progression de la promotion des droits des femmes qui a eu lieu pendant la guerre. Les femmes non autochtones pouvaient obtenir un emploi qui, traditionnellement, était réservé aux hommes et le vote des femmes est devenu un enjeu de premier plan. La Loi des élections en temps de guerre a été promulguée. Cette Loi accordait le droit de vote aux femmes dont le mari, le fils ou le frère servait dans le cadre de la guerre, en plus des femmes qui servaient en qualité d'infirmières militaires. Toutefois, cette Loi excluait les femmes autochtones. La Loi des électeurs militaires de 1917 accordait le droit de vote à tous les Autochtones qui servaient dans les forces militaires. Les soldats des Premières Nations pouvaient voter sans craindre de perdre leur statut d'IndienNote de bas de page 18. Jusqu'à 1960, les femmes des Premières Nations qui votaient perdaient leur statut d'Indien, sauf Charlotte Edith Anderson Monture, une Autochtone qui a servi en qualité d'infirmière durant la Première Guerre mondiale, car elle était une militaire active.

De nombreux Autochtones, surtout des femmes, s'opposaient à la participation des Autochtones à la guerre et souhaitaient que leurs maris, fils, pères et frères reviennent au pays. Souvent, les femmes avaient des difficultés financières en raison de l'absence des hommes de leurs familles et de leurs collectivitésNote de bas de page 19. Le ministère des Affaires indiennes a reçu un nombre important de lettres de femmes, surtout durant la dernière année de la guerre, qui demandaient que les hommes de leur famille reviennent aux pays. Les demandes de réformation des hommes du service militaire n'indiquaient certes pas une absence d'appui envers la guerre.

Lorsque les soldats autochtones revenaient au pays, ils étaient souvent accueillis comme des héros. Les collectivités des Premières Nations des Prairies ont dans bien des cas organisé des danses de la victoire, appelées Danses du Soleil, à l'intention des soldats qui étaient de retour. Ces danses étaient interdites par le gouvernement, dans le cadre de sa politique destinée à éliminer les aspects traditionnels de la culture des Premières Nations qu'il jugeait trop « primitifs ». Dans certains cas, ces danses étaient autorisées par certains agents des Indiens, car elles soulignaient l'importance d'honorer le service des soldats.

Expérience des anciens combattants autochtones après la guerre

Au moins 300 Indiens inscrits ont perdu la vie durant la Première Guerre mondiale, mais les soldats autochtones ont eu à composer avec de nombreux problèmes après leur retour au pays. De nombreux anciens combattants autochtones avaient contracté à l'étranger une maladie, notamment la pneumonie, la tuberculose et la grippe. Étant donné que le gaz moutarde affaiblissait les poumons, les soldats autochtones qui revenaient au pays et qui avaient subi des attaques au gaz étaient plus susceptibles de contracter la tuberculose et d'autres maladies respiratoiresNote de bas de page 20. Bon nombre d'entre eux ont transporté avec eux, à leur insu, le virus de la grippe qui s'est répandu rapidement dans des collectivités isolées et sensibles. Malheureusement, de nombreux anciens combattants sont morts peu après leur retour au pays, conséquence indirecte de leur serviceNote de bas de page 21. D'autres anciens combattants autochtones étaient blessés ou avaient été amputés d'un membre, ce qui nuisait à leur capacité de s'occuper de leurs familles et de leurs collectivités. Certains anciens combattants autochtones ont ainsi travaillé comme guides pour des touristes et des chasseurs non autochtones, afin de recevoir un salaire pour leur familleNote de bas de page 22. De nombreux anciens combattants autochtones ont continué à servir après la guerre et se sont enrôlés dans des unités locales de la milice ou ont donné une instruction militaire à des jeunes hommes et des garçons autochtones.

À l'instar des anciens combattants non autochtones, certains anciens combattants autochtones sont revenus de la guerre en ayant développé une dépendance à l'alcool, ce qui a entraîné des problèmes pour eux-mêmes, leurs familles et leurs collectivités. Les anciens combattants consommaient souvent de l'alcool pour pouvoir composer avec les douleurs physiques et mentales liées à leur expérience de guerre, mais cette attitude a suscité des problèmes de santé et des problèmes sociaux pour tous les anciens combattants canadiensNote de bas de page 23.

La contribution des anciens combattants autochtones à l'effort de guerre a été remarquée par les fonctionnaires du gouvernement et le public canadien. Après avoir servi avec des Autochtones, les soldats canadiens non autochtones ont appris à comprendre et à apprécier les Autochtones; ils rejetaient les préjugés et ils les percevaient plutôt comme des hommes qui ont souffert dans les tranchées en Europe. Même si leurs collègues anciens combattants estimaient que les anciens combattants autochtones étaient leurs égaux, les préjugés prévalaient toujours au paysNote de bas de page 24.

Le traitement égal dont les anciens combattants autochtones jouissaient est disparu une fois qu'ils étaient de retour au CanadaNote de bas de page 25. Les avantages des anciens combattants et l'appui du gouvernement du Canada étaient en place, mais les programmes mis en œuvre dans les réserves étaient fort différents de ceux mis en œuvre ailleurs au Canada. Les Lois d'établissement de soldats de 1917 et de 1919 étaient des initiatives gouvernementales clés qui visaient à prendre en compte les anciens combattants en leur offrant un accès aux terres et des prêts à faible taux d'intérêt pour les installations et les améliorations agricolesNote de bas de page 26. Le programme était administré par le truchement du Conseil d'établissement de soldats, mais lorsqu'une terre plus grande était requise et que les Indiens inscrits ayant combattu manifestaient un intérêt à tirer profit du programme pour cultiver les terres de leur réserve, le ministère des Affaires indiennes s'est impliqué dans l'administration de la LoiNote de bas de page 27.

La réception de décorations militaires et de mentions élogieuses a donné confiance à bon nombre d'anciens combattants qui ont ainsi pu faire valoir leurs points de vue et promouvoir des droits élargis et le traitement équitable au sein de la société de tous les membres de leurs collectivitésNote de bas de page 28. Par conséquent, après la guerre, les Autochtones se sont organisés sur le plan politique, sous la direction des anciens combattants. En 1919, le lieutenant F.O. Loft, un ancien combattant des Six Nations qui avait servi avec le Corps forestier canadien pendant la guerre, a fondé la première organisation politique du pays qui s'adressait à tous les Autochtones, la Ligue des Indiens du Canada. La Ligue avait pour but d'améliorer les conditions dans les réserves et on croyait alors qu'une position unifiée s'articulant autour d'une organisation politique pouvait contester la Loi sur les Indiens qui régissait les vies des Autochtones.

Camp annuel du corps des cadets du pensionnat St. Paul, Calgary, Alberta.
Date : 12 au 20 juillet 1921
Archives de Glenbow, PB-28-1

Bibliographie : Première Guerre mondiale

Avez-vous trouvé ce que vous cherchiez?

Qu’est-ce qui n’allait pas?

Vous ne recevrez aucune réponse. N'incluez pas de renseignements personnels (téléphone, courriel, NAS, renseignements financiers, médicaux ou professionnels)
Maximum de 300 caractères

Merci de vos commentaires

Date de modification :