Présentation des excuses pour les réinstallations des Ahiarmiut

Le 22 janvier 2019 à Arviat, au Nunavut, l'honorable Carolyn Bennett, ministre des Relations Couronne-Autochtones, a présenté, au nom du gouvernement du Canada, des excuses aux Ahiarmiut pour les torts du passé liés aux nombreuses réinstallations qui ont eu lieu entre 1950 et 1960.

Notes d'allocution pour l'honorable Carolyn Bennett

ᐃᓄᒃᑎᑐᑦ

Aînés, aînées, jeunes et membres de la communauté des Ahiarmiut, c'est un honneur d'être ici avec vous aujourd'hui, au nom du gouvernement du Canada et de toute la population canadienne, afin de présenter des excuses officielles aux Ahiarmiut qui ont subi de multiples réinstallations forcées dans le passé. Avant de commencer, j'aimerais souligner la présence ici de 21 survivants et survivantes de ces réinstallations; nous sommes réunis en ce moment en raison de leur courage, de leur détermination et de leur souci de faire valoir les droits de leur peuple.

Je tiens aussi à évoquer la mémoire des Ahiarmiut qui ont perdu la vie par suite des réinstallations et à faire mention de ceux et celles qui sont décédés au cours des années passées depuis lors. Ces excuses sont un hommage à leur esprit et à leur souvenir. Elles donnent aussi une occasion à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes de se renseigner sur ce sombre chapitre de notre histoire et d'y réfléchir.

Humblement et sincèrement, j'adresse ces mots à tous les Ahiarmiut d'hier et d'aujourd'hui : nous sommes désolés! Mamiapugut.

Il y a près de 70 ans, en mai 1950, le gouvernement du Canada a réinstallé les Ahiarmiut pour la première fois, en les déplaçant de leur terre natale, dans la région du lac Ennadai, jusqu'au lac Nueltin. Cette réinstallation a eu lieu sans que des explications soient données, sans consultation avec votre peuple et sans qu'il ait donné son consentement. Les Ahiarmiut ont été déplacés en quelques heures, mais les effets des mesures prises par le gouvernement du Canada se font sentir encore aujourd'hui. Les familles ont été mises dans un avion et transportées jusqu'à une île du lac Nueltin. Elles ont été forcées d'abandonner leur territoire, leurs abris et la plupart de leurs biens, y compris des outils essentiels à leur survie, comme des haches, des couteaux et des vêtements d'extérieur. Des aînés et aînées racontent comment leurs tentes ont été détruites en leur présence, avant qu'ils ne montent à bord de l'avion.

Après l'arrivée des Ahiarmiut au lac Nueltin, le Canada ne leur a pas fourni la nourriture, les abris, les outils ou d'autre matériel en quantité suffisante. Ils n'avaient ni abris ni peaux de caribou pour en construire. L'île n'offrait pas assez de nourriture pour assurer la subsistance des Ahiarmiut. L'aide que ceux-ci ont reçue n'est pas venue des représentants ou représentantes du gouvernement, mais de chasseurs dénés qui vivaient dans la région et qui ont partagé nourriture et approvisionnements avec eux. Vu ces conditions de vie rigoureuses, des Ahiarmiut sont tombés malades, et plusieurs sont décédés. À l'automne de 1950, sachant qu'ils ne survivraient pas dans cet environnement, les Ahiarmiut ont entrepris un voyage de trois mois pour retourner au lac Ennadai; ils ont ainsi parcouru plus de 100 kilomètres malgré le vent, la glace et la neige.

Les Ahiarmiut savaient que le lac Ennadai leur permettrait de subvenir à leurs besoins, comme il l'avait fait pendant des générations. Ils connaissaient les lieux de migration des caribous et ils savaient où trouver du petit gibier et du poisson quand le caribou se faisait plus rare. Ils connaissaient les terres et les eaux. Cependant, le gouvernement du Canada pensait en savoir plus qu'eux et, en 1957, il a décidé de les réinstaller encore une fois.

Cette fois, les Ahiarmiut ont été transportés aux lacs Henik-Nord et Oftedal, situés à des centaines de kilomètres de leur emplacement original. Encore une fois, cette réinstallation s'est faite contre leur gré et sans leur consentement. Avant la réinstallation, les Ahiarmiut ont fait savoir aux fonctionnaires fédéraux que la région où ceux-ci voulaient les transporter était pauvre en gibier et qu'ils y manqueraient de nourriture. De nouveau, la réinstallation s'est faite sans que le gouvernement fournisse aux Ahiarmiut des approvisionnements et un soutien suffisants. Ils ont été transportés par avion jusqu'à des terres qu'ils ne connaissaient pas; on leur a laissé seulement six chiens, des provisions de base et des « réserves d'urgence » qui ne leur ont suffi que très peu de temps. Cette fois encore, les Ahiarmiut ont subi des conséquences tragiques par suite des mesures prises par le gouvernement du Canada.

Comme les Ahiarmiut l'avaient prédit, leur nouveau milieu de vie ne leur offrait pas assez de caribou, de petit gibier et de poisson pour assurer leur subsistance. Afin de lutter contre la famine, les chasseurs ahiarmiut ont fait l'impossible pour trouver de quoi nourrir leurs familles. Quand quelques chasseurs ont pris des approvisionnements trouvés dans une cabane voisine habitée par des prospecteurs, on les a traités comme des voleurs. Au lieu de comprendre que les Ahiarmiut essayaient tout simplement de survivre, les fonctionnaires du gouvernement ont mis ces chasseurs en prison à Arviat, ce qui a exacerbé une situation déjà désespérée. Pendant qu'ils étaient détenus à Arviat, les chasseurs ont été forcés d'accomplir des travaux de domestique, et l'un d'eux a perdu la vue.

Aux lacs Henik-Nord et Oftedal, les familles affamées ont été forcées de manger le peu qu'elles arrivaient à trouver : des peaux de caribou dont elles avaient enlevé la fourrure; un seul lagopède partagé entre dix enfants; un poisson découpé en morceaux minuscules pour alimenter une famille pendant plusieurs jours. Les mères souffrant de malnutrition n'arrivaient pas à nourrir leur bébé. Les malades et les personnes âgées devenaient tellement faibles qu'ils devaient rester au lit pendant des jours d'affilée pour ne pas gaspiller leur énergie. Dans ces conditions effroyables, plusieurs Ahiarmiut sont morts de faim et de froid. Ce n'est qu'après le décès de sept d'entre eux, y compris un qui a été assassiné et un autre qui est mort en essayant de se défendre, que le gouvernement est intervenu en février 1958 pour transporter les survivants de la communauté à Arviat. À ce moment-là, de nombreux Ahiarmiut avaient déjà cheminé pendant trois jours pour se rendre au poste de Padlei afin d'y demander de l'aide.

Même après la mort tragique de membres de leur communauté, les fonctionnaires fédéraux ont maltraité les Ahiarmiut. À Arviat, ceux-ci ont été placés sous la garde de la police; leurs vêtements en peau de caribou ont été détruits, et on les a découragés de s'adonner à leurs activités traditionnelles, par exemple les danses du tambour. Une femme du groupe appelée Kikkik a été traduite en justice pour avoir tué l'homme qui avait assassiné son mari. Elle a été acquittée, mais les événements déchirants survenus alors persistent encore aujourd'hui dans la mémoire des Ahiarmiut.

Depuis Arviat, les Ahiarmiut ont enduré deux autres réinstallations, tout d'abord à Rankin Inlet, puis à Whale Cove. Ces réinstallations ont éloigné encore davantage les Ahiarmiut de leurs terres et de leur mode de vie traditionnels. Les aînés et aînées racontent qu'ils étaient traités comme des étrangers, qu'ils ont perdu leur dialecte et qu'ils ont dû s'adapter à de nouveaux aliments et à de nouvelles pratiques culturelles.

Les réinstallations des Ahiarmiut entre 1950 et 1960 avaient des motifs erronés, elles ont été mal gérées et elles ont eu des conséquences tragiques. Elles ont eu des effets profonds et permanents sur la communauté des Ahiarmiut et sur leur mode de vie. À ce jour, les Ahiarmiut demeurent loin de leur terre natale du lac Ennadai et ils n'ont jamais oublié les amis et les membres de leur famille qu'ils ont perdus par suite des réinstallations.

Le gouvernement du Canada a eu de multiples occasions de tirer des leçons de ses erreurs et d'admettre ces dernières. Cependant, il lui a fallu jusqu'à aujourd'hui pour admettre publiquement qu'il avait eu tort d'agir comme il l'a fait et pour s'en excuser.

Nous sommes désolés d'avoir réinstallé les Ahiarmiut loin de la région du lac Ennadai. Nous sommes désolés qu'ils aient tant souffert et qu'ils aient subi des traitements indignes et la faim et que certains d'entre eux soient morts à cause de nos actes. Nous sommes désolés que vous n'ayez pas été traités avec la gentillesse, le respect et la bienveillance que vous méritiez. Enfin, le gouvernement du Canada est désolé d'avoir pris tant de temps à régler vos revendications à l'égard des réinstallations et à reconnaître les injustices qu'il a commises dans le passé.

Comme un grand nombre des chapitres les plus sombres de l'histoire du Canada, l'épisode des réinstallations des Ahiarmiut ne raconte pas uniquement une tragédie; en effet, il parle aussi de la résilience de ce peuple, car en dépit d'épreuves inimaginables, les Ahiarmiut ont survécu et ils ont prospéré pour faire en sorte que le passé ne soit pas oublié et que leur culture conserve tout son dynamisme.

Je sais bien qu'aucune excuse ne saurait effacer les souffrances que vous avez endurées, les terribles souvenirs qui vous hantent encore et compenser la perte d'êtres qui vous étaient chers. Certes, nous ne pouvons changer le passé, mais je crois que nous devons réfléchir à notre histoire et en tirer des leçons afin d'aller de l'avant. Nous comprenons maintenant que le gouvernement du Canada a réinstallé les Ahiarmiut loin de leur terre natale à cause de sa mentalité coloniale qui l'a amené à passer outre à vos liens profonds avec la terre et avec la sagesse de vos ancêtres.

En admettant les injustices commises dans le passé, le gouvernement du Canada espère que les excuses historiques présentées aujourd'hui feront germer la guérison, qu'elles marqueront le franchissement d'une étape durable sur le chemin continu de la réconciliation entre le gouvernement du Canada et les Ahiarmiut et qu'elles nous guideront vers un avenir meilleur.

Je vous remercie. Matna.

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