Une question d’importance nationale et constitutionnelle : Rapport du représentant spécial de la ministre sur la réconciliation avec les Métis : droits des Métis visés à l’article 35 et arrêt Manitoba Metis Federation

Par Thomas Isaac

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Les opinions et les points de vue exprimes dans ce rapport indépendant sont ceux de M. Thomas Isaac, représentant spécial de la ministre concernant les droits des Métis prévus à l'article 35 et l'arrêt Manitoba Metis Federation. Elles ne reflètent pas nécessairement les opinions du gouvernement du Canada.

Table des matières

Lettre à la ministre des Affaires autochtones et du Nord

Le 14 juin 2016

Honorable Carolyn Bennett
Ministre des Affaires autochtones et du Nord

Objet : Rapport du représentant spécial de la ministre sur la réconciliation avec les Métis : droits des Métis visés à l’article 35 et arrêt Manitoba Metis Federation

Madame la Ministre,

Vous trouverez ci-joint mon rapport intitulé Une question d'importance nationale et constitutionnelle : Rapport du représentant spécial de la ministre sur la réconciliation avec les Métis : droits des Métis visés à l'article 35 et arrêt Manitoba Metis Federation.

Ce rapport découle du mandat que vous m'avez confié de mener des discussions avec les membres dirigeants du Ralliement national des Métis, le Métis Settlements General Council, des représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux et d'autres organisations autochtones et parties intéressées afin de définir un processus de dialogue sur les droits des Métis prévus à l'article 35. Mon mandat consistait également à travailler avec la Manitoba Metis Federation à la recherche de moyens de faire progresser le dialogue sur la réconciliation en réponse à l'arrêt Manitoba Metis Federation rendu en 2013 par la Cour suprême du Canada.

Je me réjouis de l'occasion qui m'a été donnée de collaborer à vos travaux de réconciliation du gouvernement du Canada avec les Métis.

Je vous prie de recevoir, Madame la Ministre, l'expression de mes sentiments les plus distingués.

Thomas Isaac

A Introduction

Tirant leurs origines de l'union de membres des Premières Nations et d'Européens, les Métis occupent une place centrale dans l'histoire et le développement du Canada. Au fil du déplacement des commerçants et des explorateurs de l'est vers l'ouest d'un territoire que l'on appelle aujourd'hui le Canada, sont nés les Métis, qui se sont forgé une identité et une culture riches et uniques. Les Métis ont joué un rôle historique de premier plan dans l'origine du Canada et forment l'un des trois peuples autochtones reconnus à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 (l'« article 35 »)Note de bas de page 1. Les droits qu'ils détiennent en vertu de l'article 35 sont reconnus par la Constitution du Canada.

Or, les Métis ont été malgré tout largement oubliés jusqu'à ces dernières années dans l'histoire du pays en tant que peuple autochtone à part entière et ayant des droits. L'un des éléments du défi posé était le caractère unique du patrimoine et de l'histoire des Métis et le fait que ce peuple ne s'inscrivait pas dans un cadre juridique facilement identifiable. Les Métis se sont battus pour faire reconnaître leur identité et leurs droits propres mais, ce faisant, ont connu beaucoup plus de difficultés que de succès.

La réconciliation entre la Couronne, fédérale et provinciale, et les Métis est nécessaire. La question n'est pas de considérer cela comme un défi, mais comme une formidable occasion pour le Canada et pour les gouvernements provinciaux et territoriaux de se réconcilier avec les Métis et de recadrer leurs relations avec eux, de reconnaître et de célébrer les droits et la culture métis dans le contexte général de l'histoire du Canada et de régler leurs revendications.

La réconciliation doit dépasser le stade de la répétition de lieux communs et de la simple reconnaissance. Elle découle de la protection par la Constitution des droits conférés aux Métis à l'article 35Note de bas de page 2. Elle est inextricablement liée au principe de l'honneur de la Couronne et doit se traduire par des actions concrètes. L'arrêt de principe  de la Cour suprême du Canada (« CSC ») Manitoba Metis Federation c. Canada (P.G.)Note de bas de page 3 (« arrêt MMF »), rendu en 2013, souligne que « la tâche inachevée de réconciliation des Métis avec la souveraineté du Canada est une question d'importance nationale et constitutionnelle ».

Le 4 juin 2015, la ministre des Affaires autochtones et du Nord m'a nommé comme son représentant spécial afin de mener des discussions avec les membres dirigeants du Ralliement national des Métis, le Métis Settlements General Council, des représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux, d'autres organisations autochtones ainsi que d'autres parties intéressées afin de définir un processus de dialogue sur les droits des Métis visés à l'article 35. Mon mandat consistait également à travailler avec la Manitoba Metis Federation (MMF) à la recherche de moyens de favoriser le dialogue sur la réconciliation en réponse à l'arrêt MMF rendu en 2013 par la Cour suprême du Canada (conjointement, le « Mandat »)Note de bas de page 4.

Le présent rapport contient mes observations et mes recommandations fondées sur  mon examen des questions se rattachant au Mandat. Il présente également ma compréhension de ce que j'ai entendu dans le but de faciliter la tâche de réconciliation nécessaire entre les Métis et le Canada. J'ai recueilli une somme énorme de renseignements et de commentaires sur de nombreuses questions concernant les Métis de partout au pays. Mon rapport tente de refléter l'esprit de ce que j'ai entendu dans le contexte et dans le champ d'application du Mandat. La liste récapitulative des recommandations formulées figure à l'annexe A du rapport.

Au cours de son élaboration, j'ai mené des discussions avec les gouvernements, les institutions et les organisations métis en plus de solliciter des mémoires de leur part. Je n'ai déterminé aucun intervenant à l'avance avec lequel je mènerais des discussions ni duquel j'accueillerais un mémoire. Je n'ai pas non plus établi de limite en ce sens. Le Mandat n'exigeait pas que j'évalue si un intervenant particulier répondait au critère juridique de Métis au sens de l'article 35. Je n'avais pas non plus d'attente à cet égard. 

Mon implication active dans ce Mandat s'est étendue de juin 2015 à janvier 2016, sauf pour une pause lors des élections fédérales de 2015. J'ai rencontré des gouvernements, des organisations et des institutions métis et des Métis. J'ai également joint mes efforts à ceux d'Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC), du ministère de la Justice et d'autres ministères et organismes fédéraux. J'ai collaboré aussi avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et d'autres parties intéressées. La liste de tous les intervenants avec lesquels j'ai mené des discussions figure à l'annexe B du présent rapport.

Tout au long de la version anglaise du rapport, j'utilise le terme « Aboriginal » en dépit du fait que le nouvel acronyme renvoie à « Indigenous » et que le nouveau nom du Ministère ainsi que le titre de la ministre contiennent ce deuxième terme. Dans la version française du rapport, le terme « autochtone », qui n'a pas changé en français, est employé. Toutefois, comme mon rapport et le Mandat portent sur deux questions relevant de l'article 35, il était impératif que mon rapport utilise les termes reconnus et définis en droit. Dans son récent arrêt Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien)Note de bas de page 5, la CSC a utilisé le terme « autochtone » (« Indigenous » dans le jugement anglais) pour décrire tous les membres des peuples autochtones du Canada relevant de la compétence législative du Parlement en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Le terme génériqueNote de bas de page 6 « autochtone » utilisé par la CSC s'entend de tous les membres des peuples autochtones, y compris ceux désignés à l'article 35, et correspond à toutes les « collectivités d'ascendance mixte » visées au paragraphe 91(24)Note de bas de page 7

Comme le Mandat et le présent rapport se concentrent sur l'article 35, j'utilise le terme « Autochtone » au regard de l'article 35 et non le terme plus générique d'« Indien ». Il était essentiel que mon rapport reflète clairement l'importance qu'occupent les Métis et leurs droits visés à l'article 35 dans le contexte du droit canadien actuel, ce qui nécessitait l'utilisation d'une terminologie qui n'est pas seulement juridiquement correcte, mais qui est utilisée jusqu'à maintenant par la CSC au regard de l'article 35.

Je tiens à remercier les dirigeants et les représentants métis et les Métis eux-mêmes qui ont pris le temps de s'entretenir avec moi et qui m'ont fourni des renseignements et des documents abondants tout au long du processus de mobilisation. J'ai été impressionné par l'ensemble des gouvernements, institutions et organisations métis avec lesquels j'ai discuté, et en particulier par leur constance à se concentrer sur ce qui est utile et raisonnable tout en soulignant le caractère unique de leur histoire et de leur culture.

Je remercie également les représentants d'AANC et les autres représentants fédéraux pour leur professionnalisme. Ils m'ont fourni une grande somme de renseignements et de documents afin que je puisse mieux comprendre le traitement réservé aux questions concernant les Métis par le système fédéral d'hier jusqu'à aujourd'hui.

Enfin, je désire remercier les représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux et les autres intervenants que j'ai rencontrés ou qui m'ont remis un mémoire. Les commentaires fournis par ces gouvernements, ces organisations et ces personnes ont facilité mon analyse du Mandat et la préparation du présent rapport.

B. Vue d’ensemble des Métis au Canada

1. Introduction

Les Métis constituent un peuple autochtoneNote de bas de page 8 détenteur de droits uniques et distincts et forment l'un des trois peuples autochtones mentionnés au paragraphe 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982, dont les droits sont reconnus et confirmés à l'article 35Note de bas de page 9. À la différence des Premières Nations et des Inuits, dont les ancêtres étaient les premiers habitants du Canada, les Métis ont évolué comme peuple autochtone distinct à la suite d'unions entre explorateurs et commerçants européens et les premiers habitants du territoire qu'on appelle aujourd'hui le Canada.

Les descendants d'Européens et d'Autochtones ne sont pas tous considérés comme des Métis pour l'application de l'article 35. Ce qui fait d'eux des Métis distincts est leur auto-identification comme Métis et leur appartenance à une collectivité métisse distincte et historique qui possède sa culture, ses pratiques, ses traditions et sa langue propres, différente de celles de leurs ancêtres européens comme autochtones.

Les tribunaux de l'Ontario et des provinces de l'Ouest ont confirmé l'existence de collectivités distinctes de Métis. Ces décisions respectent le fait que les Métis ont des types de chasse, de traite et de peuplements semblables à ceux des colons et marchands de fourrures européens et qu'on leur donnait communément le nom de « Métis du Nord-Ouest ».

L'intention ici n'est pas de suggérer qu'il n'existe pas d'autres collectivités autochtones à l'est de l'Ontario ou dans d'autres parties du Canada dont les membres s'auto-identifient comme des « Autochtones », mais pas nécessairement comme des Métis, des Premières Nations ou des Inuits au sens de l'article 35. L'arrêt Daniels semble reconnaître cette réalité lorsqu'il est fait référence à tous les peuples autochtones, y compris ceux d'ascendance mixte, au sens d'« Indiens » pour l'application du paragraphe 91(24)Note de bas de page 10.

La prémisse de l'élaboration d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 doit reposer sur l'énoncé selon lequel il s'agit de Métis au sens de l'article 35.

2. Contexte démographique et socio-économique

L'Enquête nationale auprès des ménages de 2011 indique que 451 795 habitants du Canada s'identifient comme des Métis, soit environ 32 % de la population autochtone canadienne. La majorité de ceux qui se sont identifiés comme Métis vit en Ontario et dans les provinces de l'Ouest alors que la population la plus importante vivant sur un même territoire se trouve en Alberta. Le tableau suivant illustre la répartition de la population métisse auto-identifiée au niveau national, par province ou territoireNote de bas de page 11 :   

Population métisse auto-identifiée
Canada 451 795
Atlantique 22 975
Québec 40 960
Ontario 86 015
Manitoba 78 835
Saskatchewan 52 450
Alberta 96 870
Colombie-Britannique 69 475
Yukon 845
Territoires du Nord-Ouest 3 250
Nunavut 135

Si l'on se fie aux indicateurs sociaux, économiques, de santé, d'emploi et d'éducation, force est de constater que les Métis ont connu une part disproportionnée de défis. Par contre, selon les mêmes indicateurs, ils s'en tirent mieux que les Premières Nations et les Inuits. La population métisse est jeune par rapport à la population non autochtone, mais n'est pas aussi jeune que les autres populations autochtones (l'âge médian des Métis est de 31 ans comparativement à la moyenne canadienne de 40 ans). Même si les taux de diplomation universitaire se sont dans l'ensemble améliorés pour les Métis, un écart existe toujours par rapport à la population non autochtone. Les Métis ont le taux de participation au marché du travail (78 %) et le taux d'emploi (71,2 %) les plus élevés et le taux de chômage le plus faible de la population autochtone âgée de 25 à 64 ans (8,6 %). Les logements des Métis sont presque deux fois plus susceptibles de nécessiter des réparations majeures que les logements des non-AutochtonesNote de bas de page 12.

En matière de santé, le taux de survie à l'âge de 75 ans des adultes métis est de 57,4 %. En comparaison, celui de l'ensemble de la population est de 71,4 % (de 1991 à 2006)Note de bas de page 13. Les peuples autochtones sont proportionnellement plus malades que les Canadiens non autochtones. Comme pour les adultes non autochtones, le principal facteur d'années potentielles de vie perdues (APVP) chez les Métis et les Indiens non inscrits est attribuable à des maladies chroniques comme le cancer et les maladies cardiovasculaires. Les blessures contribuent de manière importante aux disparités dans les décès prématurés, tout comme la consommation d'alcool et de drogue chez les Métis et les Indiens non inscritsNote de bas de page 14. Un rapport de l'Ontario révèle des risques accrus de cancer parmi la population métisse de l'Ontario et insiste sur la nécessité de mettre en place des approches de prévention culturellement adaptéesNote de bas de page 15. De même, en 2010, le Centre d'élaboration de la politique des soins de santé du Manitoba, en collaboration avec la MMF, a publié un profil complet de la santé des Métis du Manitoba qui corrobore l'observation selon laquelle il existe un écart dans les statistiques sanitaires de base entre les Métis et la population non métisse au ManitobaNote de bas de page 16.

3. Histoire des MétisNote de bas de page 17

L'histoire des Métis débute vers la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècles, lorsque les explorateurs européens ont traversé les territoires qui composent maintenant le Canada. L'Angleterre, qui avait revendiqué ces terres, a accordé à la Compagnie de la Baie d'Hudson le contrôle d'un vaste territoire appelé la Terre de Rupert, occupé déjà par les Premières Nations et les Inuits. Toutefois, au fil de l'influence et de la présence européenne croissantes est né un nouveau peuple autochtone, les Métis, formé à partir de « premières unions entre les explorateurs et négociants européens et les femmes autochtonesNote de bas de page 18 » et possédant une culture distincte.

La Rébellion de la rivière Rouge de 1869-1870 a été l'un des événements centraux de l'histoire des Métis et du Canada. Elle est l'aboutissement de la résistance des Métis contre les politiques de traite des fourrures de la Compagnie de la Baie d'Hudson et des politiques d'aménagement du territoire du Canada. Globalement, ces politiques étaient considérées comme une menace pour les Métis et pour leur mode de vie. Après la Rébellion de la rivière Rouge, les Métis, dirigés par Louis Riel, ont participé à la négociation de la Loi de 1870 sur le ManitobaNote de bas de page 19 qui a intégré le Manitoba comme province du Canada au sein de la Confédération.

La Loi de 1870 sur le Manitoba contenait, à l'article 31, des dispositions prévoyant une assise territoriale et des pouvoirs pour les Métis de la rivière Rouge, y compris une cession de terres de 1,4 million d'acres aux enfants des Métis. C'est ultimement cette disposition de l'article 31 de la Loi de 1870 sur le Manitoba qui a est au cœur du jugement déclaratoire de la CSC prononcé contre le Canada, découlant de l'arrêt MMF. J'aborderai ce sujet plus loin. La CSC résume ces événements dans l'arrêt MMF de la manière suivante :

Les arpenteurs se sont heurtés à une résistance armée, dirigée par un Métis francophone, Louis Riel. Le 2 novembre 1869, William McDougall, le lieutenant-gouverneur du nouveau territoire proposé par le Canada, a été refoulé par une patrouille à cheval de Métis francophones. Le même jour, un groupe de Métis, dont Riel faisait partie, s'est emparé d'Upper Fort Garry (où se trouve maintenant le centre-ville de Winnipeg), la principale fortification de la colonie. Riel a convoqué la « Convention des 24 », composée de 12 représentants des paroisses anglophones et de 12 représentants des paroisses francophones. À leur deuxième réunion, il a annoncé que les Métis francophones avaient l'intention de former un gouvernement provisoire et demandé aux anglophones de les appuyer. Les représentants des Anglais ont demandé du temps pour discuter de cette demande avec les habitants de leurs paroisses. La réunion a été ajournée jusqu'au 1er décembre 1869.

À la reprise de la réunion, les Métis se sont retrouvés devant une proclamation transférant la région sous l'autorité du Canada, lue par McDougall plus tôt dans la journée. Le groupe a rejeté cette proclamation. Les Métis francophones ont dressé une liste des demandes auxquelles le Canada devait répondre pour que les colons de la rivière Rouge acceptent le contrôle canadien.
Le gouvernement canadien a décidé de se montrer conciliant. Il a invité à Ottawa une délégation composée d'[traduction] « au moins deux résidents » pour y présenter les demandes des colons et en discuter avec le Parlement. Le gouvernement provisoire a répondu à cette invitation en désignant un prêtre, le père Ritchot, un juge, le juge Black, et un homme d'affaires de la région, Alfred Scott, pour aller à Ottawa. Les délégués –dont aucun n'était Métis, bien qu'ils aient été désignés par Riel – sont partis pour Ottawa le 24 mars 1870. […]
Les délégués sont arrivés à Ottawa le 11 avril 1870. Ils ont rencontré le premier ministre Macdonald et le ministre de la Milice et de la Représentation, George-Étienne Cartier, avec lesquels ils ont négocié. Ces négociations faisaient partie d'une série de négociations plus générales sur les conditions d'entrée du Manitoba dans le Canada à titre de province. Il s'est révélé que le Canada souhaitait conserver la propriété de terres publiques situées dans la nouvelle province, d'où l'idée d'attribuer des terres aux enfants des Métis. Les parties se sont entendues sur la concession aux enfants des Métis de 1,4 million d'acres de terres (art. 31) et la confirmation des tenures foncières existantes (art. 32). Après d'âpres débats et l'échec d'une motion visant à rayer l'article prévoyant la concession de terres aux enfants, le Parlement a adopté la Loi sur le Manitoba, le 10 mai 1870.Note de bas de page 20

Toutefois, comme le Canada n'a pas respecté cet accord, Riel a mené un mouvement de résistance pour que les droits des Métis soient reconnus. Les tensions entre les Métis et le Canada ont augmenté et un conflit armé a éclaté entre le Canada et les Métis dirigés par Gabriel Dumont et Louis Riel. Commencé à Duck Lake en Saskatchewan en mars 1885, le conflit s'est terminé à la bataille de Batoche en mai 1885. Louis Riel a par la suite été pendu pour trahison, le 16 novembre 1885Note de bas de page 21.

L'article 125 de la loi  de 1879 modifiant  l'Acte des terres fédérales prévoyait une cession de terres aux Métis afin de régler toutes les demandes [traduction] « liées à l'abolition du titre d'Indien, […] à l'extérieur des frontières du ManitobaNote de bas de page 22 ». Cet article a abouti à la création, en 1885, de la première commission des certificats dont le rôle consistait à régler les revendications territoriales des Métis dans les Territoires du Nord-Ouest d'alors, c'est-à-dire à l'extérieur des limites du Manitoba, surnommé alors « province timbre-poste ». La commission veillait à l'intervention du gouvernement fédéral pour l'octroi de terres ou d'argent sous forme de bons afin de mettre fin aux revendications des Métis. Des parcelles de terre de 160 ou de 240 acres ont été attribuées aux Métis, sans toutefois qu'il s'agisse de sites précis et identifiés comme tels. Cette politique sur les certificats a entraîné un processus complexe qui a été entaché de fraudes, d'abus et de retardsNote de bas de page 23. En bref, la politique sur les certificats a largement failli à procurer des avantages économiques et sociaux aux Métis. La CSC résume l'histoire de cette politique de spéculations et de dévaluation comme étant « un malheureux chapitre de l'histoire de notre paysNote de bas de page 24 ».

À partir de ce moment historique et pendant de nombreuses années par la suite, les Métis des différentes régions du Canada ont déploré l'inexistence d'une approche gouvernementale centralisée et stratégique à leur egard. Ils ont tenté d'attenuer les difficultés conséquentes à l'aide de diverses mesures, allant de l'adoption par l'Alberta de certaines lois provinciales en vue de la création d'établissements métis jusqu'à l'absence d'approche politique apparente ou définie du Canada pendant plusieurs années. Il est important de noter l'absence de tout document législatif susceptible de servir de base pour des négociations avec les Métis, contrairement à la situation  des Premières Nations par exemple. En effet, ces dernières étaient et  sont toujours, du moins en partie, assujetties à la Loi sur les IndiensNote de bas de page 25 et à ses précédentes versions, et bénéficient d'une assise permettant la mobilisation du Canada et des provinces.

L'adoption de l'article 35 en 1982 est venue modifier profondément le régime juridique du Canada et la façon dont il aborde les droits ancestraux des peuples autochtones du Canada et leurs droits issus de traités. Avant 1982, ces droits pouvaient être modifiés ou éteints unilatéralement par la Couronne fédérale. Après 1982, ces mêmes droits ont reçu la protection de la Constitution du Canada et les droits des Métis visés à l'article 35 y ont été insérés. L'inclusion des Métis à l'article 35 leur permet d'occuper une place particulière dans le cadre constitutionnel du Canada en tant que « peuple autochtone » dans le sens de la Constitution du Canada. La CSC a statué, dans l'arrêt Cunningham :

Les gouvernements ont lentement pris conscience de cette lacune dans la loi. […] Le paysage a radicalement changé en 1982, avec l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982. L'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 a enchâssé les droits autochtones existants, ancestraux ou issus de traités, et a reconnu trois groupes autochtones – les Indiens, les Inuit et les Métis. Pour la première fois, les Métis étaient reconnus comme un groupe distinct titulaire de droits. […] Les modifications constitutionnelles de 1982 […] indiquent qu'il est finalement temps de reconnaître que le peuple métis est un peuple particulier et distinctNote de bas de page 26 [caractères gras et italiques ajoutés].

C. Les Métis et l’article 35

1. Introduction

Pour que le processus de réconciliation envisagé par le Mandat ait un sens et soit applicable, il est nécessaire d'avoir une compréhension commune de la représentation et de l'identité des Métis au sens de l'article 35 et des principes connexes des lois canadiennes existantes sur les Métis.

Au cours du processus de mobilisation et de mes discussions avec le gouvernement fédéral en général et avec certaines provinces, en particulier, j'ai relevé à maintes reprises une méconnaissance de la situation actuelle des Métis et de leurs droits en vertu des lois canadiennes.

Par exemple, certains intervenants ont émis l'idée fausse que les droits issus de traités l'emportent sur les droits des Métis, même si aucune loi ne confirme ni n'infirme cette idée. J'ai aussi entendu l'idée fausse selon laquelle, advenant que les provinces mènent des consultations mettant en cause la Couronne auprès de gouvernements populaires provinciaux, comme ceux du Nord du Manitoba, où peuvent résider des détenteurs de droits métis visés à l'article 35 et non des titulaires de droits clairement identifiables dans le même secteur géographique, l'obligation de consulter de la Couronne est pleinement satisfaite. Aucune jurisprudence n'admet l'idée qu'une consultation publique menée auprès d'un gouvernement populaire équivaille nécessairement à une consultation auprès de titulaires de droits visés à l'article 35Note de bas de page 27. On m'a également dit qu'une certaine forme de hiérarchie des droits existait dans l'article 35 de sorte que, par exemple, les droits des Premières Nations auraient préséance sur les droits des Métis même si aucune loi n'étaye cette opinion.

Pour que cette réconciliation soit digne de ce nom et pour que le Canada puisse constituer un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 et établir les processus s'y rattachant conformément à l'arrêt MMF, les représentants de la Couronne doivent partager une connaissance de base commune des enjeux des Métis et de leurs droits visés à l'article 35. Il apparaît clairement nécessaire qu'AANC, en particulier, et les autres ministères fédéraux, en général, ainsi que certains gouvernements provinciaux avec lesquels je me suis entretenu, soient mieux informés sur les lois concernant les Métis. Cette éducation est essentielle afin que le Canada puisse mener à bien les processus envisagés par le Mandat.

Recommandation n° 1

Je recommande que le Canada mette immédiatement sur pied un programme ou une série de programmes d'éducation pour les fonctionnaires fédéraux qui interviennent sur les questions qui concernent les Autochtones telles que l'histoire des Métis, leur contribution au sein du Canada, les initiatives fédérales concernant les Métis, la culture et les traditions métisses ainsi que les lois canadiennes concernant les Métis et leurs droits visés l'article 35.

2. Représentation et identité des Métis

Par sa nature même, le cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 devra respecter les lois canadiennes et y être compatible. En d'autres termes, le critère pour déterminer qui est Métis au sens de l'article 35 énoncé par la CSC en 2003 dans R. c. PowleyNote de bas de page 28 devrait jouer un rôle de premier plan dans la constitution et la mise place de ce cadre. À ce titre, « l'arrêt Powley » doit être le point de départ à la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35.

De façon pratique, le processus de mobilisation que le Canada poursuit en vue d'établir un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 devra être souple et large. Toutefois, il ne faudra pas confondre ce processus avec l'application réelle du cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 qui doit être axé, comme son nom l'indique, sur les Métis eux-mêmes au sens de l'article 35 et sur le critère juridique énoncé par la CSC dans l'arrêt Powley.

Il pourrait s'avérer très difficile, voire impossible, pour un certain nombre d'intervenants dans le processus de mobilisation de répondre aux critères énoncés dans Powley afin d'être considéré comme un Métis pour l'application de l'article 35. Il s'agit bien entendu d'un sujet délicat que le Canada et les provinces devront aborder d'un point de vue politique. Néanmoins, aux fins du présent Mandat, l'accent sera mis sur l'article 35 et sur les « Métis » au sens de l'article 35.

Les Métis sont représentés par une variété de gouvernements et d'organisations à travers le Canada. Le Ralliement national des Métis (RNM) est l'organisme mandaté par ses membres dirigeants pour représenter leurs intérêts au niveau national. Ses membres dirigeants sont la Métis Nation of British Columbia (MNBC), la Métis Nation of Alberta (MNA), la Métis Nation of Saskatchewan (MNS), la Manitoba Metis Federation (MMF) et la Nation métisse de l'Ontario (NMO) (conjointement, les « Membres dirigeants »), qui représentent les intérêts de leurs membres respectifs dans leur territoire de compétence. Il y a aussi la Métis Settlement Councils ainsi que le Métis Settlements General Council en Alberta, la Northwest Territory Métis Nation et l'Alliance métis North Slave.

En plus de la présence de ces gouvernements et organisations autochtones, des collectivités locales et d'autres organisations à l'échelle nationale et provinciale se déclarent les représentants des intérêts des Métis comme l'Indigenous Peoples' Assembly of Canada (anciennement le Congrès des Peuples Autochtones), la Fédération Métis du Canada et le Conseil des Métis du Canada – Intertribal. Je reviendrai plus longuement sur quelques-unes d'entre elles plus loin. On trouvera également à l'annexe B la liste des gouvernements, institutions et organisations métis avec lesquels j'ai mené des discussions ou dont j'ai reçu des mémoires.

Dans le présent rapport, le terme « gouvernement » s'entend d'un système par lequel une collectivité est régieNote de bas de page 29. Un tel gouvernement, pour les collectivités métisses, prend au moins deux formes : a) un système plus traditionnel délimité dans un emplacement géographique donné comme c'est le cas pour les établissements métis de l'Alberta; b) une administration possédant le pouvoir juridique de défendre les intérêts de leurs membres ou de leur collectivité et, en particulier, leurs droits en vertu de l'article 35. Certains Métis peuvent très bien appartenir à une collectivité faisant partie d'un gouvernement populaire existant sans pour autant perdre leur aptitude à gouverner conformément à leur patrimoine métis unique et aux droits visés à l'article 35. Bien sûr, dans ce dernier cas, ces Métis doivent obtenir une autorisation claire de leur gouvernement ou de certains responsables métis pour les représenterNote de bas de page 30. En l'absence d'une telle autorisation juridique formelle de la part de détenteurs de droits collectifs ou individuels visés à l'article 35, l'entité ou l'organisation pourra toujours agir en tant qu'organisme représentatif, entre autres, des aspirations politiques ou des positions plus larges des Métis, mais sans nécessairement être habilitée à représenter les Métis sur les questions concernant leurs droits visés à l'article 35. Il est essentiel que les gouvernements et organisations métis qui se déclarent les organismes représentatifs appropriés de leurs membres disposent d'un mandat clair et transparent pour représenter les intérêts des Métis prévus à l'article 35.

Si l'on se fie à la façon dont la Nation métisse de l'Ontario (NMO) a été établie et fonctionne, cette nation constitue un bon exemple de gouvernement métis dûment autorisé par ses membres. En effet, en 1993, les Métis de l'Ontario ont désigné la NMO comme leur organisme représentatif à l'échelle provinciale afin de faire avancer leurs droits et leurs revendications. Au même moment, la NMO a créé un Secrétariat constitué en vertu de la loi sur les organisations sans but lucratif de l'Ontario afin d'agir comme organe juridique et administratif au nom de la NMO. Selon les Règlements du Secrétariat de la nation métisse de l'Ontario, tout individu métis qui demande sa citoyenneté doit mandater la NMO sur une base volontaire pour qu'elle soit l'« organisme représentatif » pour défendre les droits, revendications et  intérêts des Métis, qui sont par leur nature même des droits collectifs. Par l'intermédiaire d'un processus d'inscription centralisé et normalisé, la NMO s'assure que le demandeur est un détenteur de droits métis conformément à l'arrêt Powley. En décembre 2015, l'Assemblée législative de l'Ontario a adopté la Loi de 2015 sur le Secrétariat de la nation métisse de l'OntarioNote de bas de page 31, qui reconnaît expressément que la NMO a été créée pour  représenter ses membres ainsi que les collectivités métisses composées de tels membres pour défendre leurs droits, intérêts et aspirations collectifs.

Certaines des préoccupations d'AANC portées à ma connaissance concernent les formes de gouvernance métisses autres que celles adoptées par les établissements métis de l'Alberta, comme c'est le cas pour les Membres dirigeants. On s'inquiète du fait que ces formes de gouvernance ne semblent pas correspondre aux modèles de gouvernance répertoriés ailleurs au Canada où, par exemple, le pouvoir repose sur une assise territoriale et géographique claire. Même si ces formes de gouvernance sans assise territoriale sont différentes, on ne devrait pas pour autant croire qu'elles sont illégitimes ou que l'on peut ou que l'on doit les ignorer. Les formes de gouvernance sans assise territoriale sont reconnues par le gouvernement fédéral comme un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Ainsi, la présence de différentes formes de gouvernance n'est pas seulement utile, mais elle donne l'occasion au Canada d'engager un dialogue sans être lié à des modèles de gouvernance passés.

Pourvu évidemment qu'elles soient au moins démocratiques, représentatives et transparentes, les formes de gouvernance nouvelles ou modifiées des Métis ne font que démontrer une réalité actuelle, c'est-à-dire une représentativité à l'échelle régionale, comme en témoignent les Membres dirigeants. Outre le rôle traditionnel du modèle lié à une assise territoriale, ces gouvernements peuvent jouer bien d'autres rôles. On peut citer les suivants : représentation et consultation en matière des droits des Métis visés à l'article 35, protection et sauvegarde de la culture et du patrimoine des Métis, mise en œuvre de programmes et de services destinés spécialement aux Métis qui améliorent les programmes et services existants, gestion de certains droits visés à l'article 35, comme le droit de chasse (p. ex., gestion et tenue de régimes de chasse métis comme ceux de la NMO et de la MMF), tenue de registres des Métis objectivement vérifiables et, globalement, représentation politique et démocratique pour la représentation des intérêts des Métis.

3. Vue d’ensemble des lois canadiennes sur les Métis

Les droits actuels des Métis visés à l'article 35 sont reconnus et confirmés dans la Loi constitutionnelle de 1982. Ces droits ont d'abord été expressément confirmés par la CSC dans l'arrêt Powley, où la Cour a établi le critère pour déterminer qui est Métis au sens de l'article 35.

À cet égard, la CSC a conclu dans l'arrêt Powley que les demandeurs métis doivent démontrer leur appartenance à une collectivité métisse identifiable que la CSC définit comme « un groupe de Métis ayant une identité collective distinctive, vivant ensemble dans la même région et partageant un mode de vie communNote de bas de page 32 ». La CSC a mis en évidence trois facteurs qui présument de l'identité d'un Métis aux fins de reconnaissance des droits visés à l'article 35 : a) l'auto-identification comme membre de la communauté métisseNote de bas de page 33; b) la preuve de l'existence de liens ancestraux avec une communauté métisse historiqueNote de bas de page 34; c) l'acceptation du demandeur au sein de la communauté métisse actuelleNote de bas de page 35.

La CSC a souligné le caractère unique et distinct du patrimoine et de la culture des Métis qui, avant tout, n'est nullement tributaire de la culture et du patrimoine des Premières Nations :

Le mot « Métis » à l'art. 35 ne vise pas toutes les personnes d'ascendance mixte indienne et européenne, mais plutôt les peuples distincts qui, en plus de leur ascendance mixte, possèdent leurs propres coutumes et une identité collective reconnaissable et distincte de celles de leurs ancêtres indiens ou inuits, d'une part, et de leurs ancêtres européens, d'autre part. Les communautés métisses ont vu le jour et se sont épanouies avant que les Européens ne consolident leur emprise sur le territoire et que l'influence des colons et des institutions politiques du vieux continent ne devienne prédominanteNote de bas de page 36 [caractères gras et italiques ajoutés].

La CSC définit les « Métis » au sens l'article 35 ainsi :

Nous n'entendons pas énumérer les différents peuples métis qui peuvent exister. Comme les Métis sont expressément mentionnés à l'art. 35, il suffit en l'espèce de s'assurer que les demandeurs appartiennent à une communauté métisse identifiable et possédant un degré de continuité et de stabilité suffisant pour étayer l'existence d'un droit ancestral rattaché à un lieu précis. Une communauté métisse peut être définie comme étant un groupe de Métis ayant une identité collective distinctive, vivant ensemble dans la même région et partageant un mode de vie commun. […] Les Métis se sont forgé des identités distinctes qu'on ne saurait réduire au seul fait de leur ascendance mixte : « Ceux qui se disent Métis se distinguent des autres par leur culture incontestablement métisse » (Rapport de la CRPA, vol. 4, p. 228).

Pour établir l'existence d'une communauté métisse susceptible d'appuyer la revendication de droits ancestraux se rattachant à un lieu précis, il faut non seulement apporter des données démographiques pertinentes, mais aussi faire la preuve que le groupe concerné partage des coutumes, des traditions et une identité collective. Nous reconnaissons que, souvent, des groupes de Métis sont sans structures politiques et que leurs membres ne s'identifient pas constamment comme Métis. Toutefois, pour étayer la revendication de droits ancestraux se rattachant à un lieu précis, il faut établir l'existence d'une communauté métisse identifiable, caractérisée par un certain degré de continuité et de stabilitéNote de bas de page 37 [caractères gras et italiques ajoutés].

Au moyen d'une analyse de l'objet de l'article 35Note de bas de page 38 et en s'inspirant de son arrêt, rendu en  1997, R. c. Van der PeetNote de bas de page 39, la CSC a conclu dans l'arrêt Powley que le fait inclure les Métis comme peuple dans l'article 35 ne pouvait pas se comparer au cas des Premières Nations ou Indiens et des Inuits, car la présence des Métis ne remonte pas à la période d'occupation du Canada avant le contact avec les Européens. Afin de tenir compte de cette différence, le CSC a modifié le critère énoncé dans l'arrêt Van der Peet qui s'applique aux demandeurs métis au regard des pratiques, coutumes et traditions qui existaient avant le contact avec les Européens. Dans l'arrêt Powley, la CSC a confirmé que le critère général pour établir les droits des Autochtones en vertu de l'article 35 comme énoncé par la CSC dans l'arrêt Van der Peet s'applique aussi aux droits des Métis visés à l'article 35, sous réserve de certaines modifications mentionnées par la CSC :

Même si les Métis sont compris dans la définition de « peuples autochtones du Canada » à l'art. 35, et que, de ce fait, leurs revendications semblent rattachées à celles des autres peuples autochtones, sous la rubrique générale « droits ancestraux », l'histoire des Métis et les raisons qui sous-tendent leur inclusion pour qu'ils bénéficient de la protection accordée par l'art. 35 diffèrent considérablement de celles qui concernent les autres peuples autochtones du Canada. Comme telle, la manière dont les droits ancestraux des autres peuples autochtones sont définis n'est pas nécessairement déterminante en ce qui concerne la manière dont sont définis ceux des Métis. […] Le fait que, en ce qui concerne d'autres peuples autochtones, l'art. 35 protège leurs coutumes, pratiques et traditions qui existaient avant le contact avec les Européens n'est pas nécessairement pertinent pour ce qui est de la réponse qui sera donnée à cette question. Il est possible qu'il soit statué sur les revendications des Métis sur la base des coutumes, pratiques et traditions de leurs ancêtres autochtones avant le contact avec les Européens, mais il se peut aussi que non. Il faudra attendre une affaire où cette question se posera avant de connaître la réponseNote de bas de page 40.

Les décisions judiciaires rendues dans les Prairies et l'Ontario ont confirmé l'existence de droits métis en vertu de l'article 35Note de bas de page 41. En conséquence, malgré l'absence de jurisprudence qui porte expressément sur la nature et l'application de l'obligation de la Couronne de consulter les Métis, il ne fait aucun doute sur le plan juridique que l'obligation de la Couronne de consulter les peuples autochtones s'applique également aux MétisNote de bas de page 42. Cette conclusion est conforme à l'approche téléologique de la CSC qui préconise une interprétation générale de l'article 35. Dans l'arrêt Powley, la CSC a confirmé que les droits et les intérêts des Métis sont reconnus et confirmés par une interprétation téléologique de l'article 35Note de bas de page 43 et cette même Cour a confirmé, dans l'arrêt Haida, que l'obligation de la Couronne de consulter s'applique aux peuples autochtones, y compris les Métis.

4. Analyse de l’arrêt Powley et registres des Métis

Un des éléments essentiels de la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 est la création et la tenue d'un registre objectif et approprié sur le plan juridique des individus considérés comme des « Métis » au sens de l'article 35 et conformément à l'analyse présentée dans l'arrêt Powley.

La question centrale suivante a été abordée avec les représentants d'AANC et d'autres ministères fédéraux, provinciaux ainsi qu'avec des représentants métis : est-il dans l'intérêt public que les gouvernements et institutions métis, agissant de manière raisonnable, transparente et responsable, aient la capacité de déterminer qui satisfait au critère d'identification d'un Métis au sens de l'article 35 et au critère de l'arrêt Powley? Dans tous les cas, la réponse a été affirmative. Il est dans l'intérêt public que les gouvernements et les institutions métis se dotent de mécanismes et de processus objectivement vérifiables pour déterminer qui est un Métis en vertu des lois canadiennes pour l'application de l'article 35. La question est maintenant de savoir si les efforts actuels favorisent l'atteinte de cet objectif.

Depuis 2004, le gouvernement fédéral accorde une aide financière aux gouvernements et institutions métis pour faciliter la mise en place d'un système de dénombrement objectif et vérifiable conformément à  l'arrêt Powley, le programme de réconciliation et de gestion proactives des droits ancestraux des Métis, mieux connu sous le nom d'initiative Powley. Les efforts actuels visent à harmoniser les différents registres de dénombrement, comme ceux, par exemple, tenus par les Membres dirigeants, notamment en collaborant avec l'Association canadienne de normalisation afin d'établir une norme nationale pour les registres des Métis qui précisera les exigences et les meilleures pratiques en la matière. Actuellement, les registres des Métis tenus par les Membres dirigeants de l'Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique sont conformes à l'arrêt Powley. Beaucoup de travail reste à faire pour remédier à l'arriéré important dans le traitement des demandes et dans le travail de recherche dans certaines provinces ou dans certains territoires. Par ailleurs, vu l'ampleur de l'exercice, les coûts liés à la tenue d'un registre des Métis professionnel et objectivement vérifiable, à la production des documents généalogiques des demandeurs, à l'obtention de documents justificatifs (notamment des statistiques de l'état civil ou des registres de baptême) et la production de cartes d'adhésion, peuvent être considérables.

Des ministères et organismes fédéraux comme Parcs Canada, la GRC et Environnement Canada – Service canadien de la faune ont obtenu des fonds en vertu de l'initiative Powley afin d'améliorer leurs communications avec les Métis.

Bien qu'en général les Métis apprécient l'initiative Powley et cette source de financement, j'ai eu l'occasion d'entendre à plusieurs reprises que cette initiative ne doit pas rester ponctuelle et qu'un financement continu, prévisible et stable est nécessaire pour s'assurer que les registres des Métis découlant de l'initiative Powley pourront être maintenus.

Il est dans l'intérêt public qu'un processus de dénombrement des Métis transparent, juridiquement fondé et objectivement vérifiable reçoive un financement prévisible et durable. À cet égard, je prends acte des travaux effectués par l'Université de l'Alberta (le Métis Archival Project) menés sous la direction et le parrainage du RNM. Ces travaux consistent essentiellement à compiler et à analyser des documents historiques essentiels tels que les certificats, données généalogiques et autres sujets d'importance historique pour les Métis. J'estime que ces travaux sont essentiels pour s'assurer de la tenue de registres crédibles et objectivement vérifiables. Il s'agit d'une démarche qui, ultimement, servira bien l'intérêt public, compte tenu notamment de l'importance qu'accorde la CSC aux données historiques dans son analyse dans l'arrêt Powley.

Même si le  registre des Indiens ne repose pas sur les mêmes assises (Loi sur les Indiens en l'occurrence), il  bénéficie d'une aide financière stable grâce au programme actuel du Ministère. Actuellement, le financement et les approbations de l'initiative Powley sont assurés pour 2016-2017. De la même façon, cette initiative devrait pouvoir compter sur un financement à long terme. Elle pourrait ainsi jouir d'un certain degré de prévisibilité et de stabilité nécessaire à l'établissement des droits des Métis visés à l'article 35 et de leur appartenance à ce peuple  conformément à l'arrêt Powley. Comme il est dans l'intérêt commun des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de s'assurer du maintien de registres des Métis fonctionnels et responsables, le gouvernement canadien ne devrait pas assumer à lui seul l'entière responsabilité de cette tâche importante. Il devrait prendre l'initiative de collaborer avec les provinces et les territoires concernés afin de déterminer la mesure dans laquelle ces derniers pourront participer à cet important exercice.

Certains gouvernements provinciaux ont exprimé leur insatisfaction à l'égard du critère de l'arrêt  Powley, car ils sont d'avis que la définition de « Métis » reste ambiguë pour l'application de l'article 35. Il est vrai que déterminer qui est un Métis au sens de l'article 35 n'est pas aussi simple que recevoir une demande d'inscription au Registraire des Indiens. Néanmoins, la CSC a établi le critère permettant de déterminer qui est un « Métis » au sens de l'article 35, et les gouvernements sont tenus de suivre la loi et ces instructions. Il ne serait pas raisonnable que le seul fait qu'une tâche soit difficile ou complexe ou qu'il puisse subsister des ambiguïtés nous fasse ignorer un impératif constitutionnel et une importante question de politique publique.

Dans Powley, la Cour suprême a expressément reconnu la nécessité d'une approche systématique d'identification des détenteurs de droits métis, la qualifiant d'urgente :

Il est urgent que soit établie, aux fins d'application des règlements sur la chasse, une méthode d'identification plus systématique des titulaires de droits métis. Cela dit, il ne faut pas exagérer la difficulté d'identifier les membres de la communauté métisse pour justifier de leur refuser les droits que leur garantit la Constitution du CanadaNote de bas de page 44 [caractères gras et italiques ajoutés].

Tant que les gouvernements populaires ou que les Métis eux-mêmes resteront en désaccord avec l'analyse présentée dans Powley, l'unique résultat sera de retarder ou de compromettre le processus de réconciliation. Comme la Cour l'a indiqué dans l'arrêt Powley :

Déterminer l'appartenance à la communauté métisse n'est peut-être pas aussi simple que vérifier, par exemple, l'appartenance à une bande indienne, mais les Métis n'en demeurent pas moins des titulaires de droits à part entière. Étant donné que les communautés métisses continuent de s'organiser plus formellement et de revendiquer leurs droits constitutionnels, il est essentiel que les conditions d'appartenance aux communautés deviennent plus uniformes, de façon à permettre l'identification des titulaires de droits. Dans l'intervalle, les tribunaux saisis de revendications émanant de Métis devront statuer au cas par cas sur la question de l'identité. L'examen doit tenir compte à la fois de la manière dont la communauté se définit et de la nécessité que l'identité puisse se vérifier objectivement. De plus, les critères de détermination de l'identité métisse pour l'application de l'art. 35 doivent refléter l'objet de la garantie constitutionnelle prévue par cette disposition : reconnaître et confirmer les droits que détiennent les Métis du fait qu'ils sont des descendants directs des premiers habitants du pays et du fait de la continuité entre leurs coutumes et traditions et celles de leurs ancêtres métis. Il ne s'agit pas d'une tâche insurmontableNote de bas de page 45  [caractères gras et italiques ajoutés].

Il est louable que le Canada ait lancé l'initiative Powley, mais il est maintenant temps de s'assurer que cette initiative obtient elle aussi sa part des ressources nécessaires au maintien de registres des Métis objectifs et transparents pour l'application de l'article 35. Ce travail est essentiel à la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 qui soit valable puisqu'il relève de l'essence même de la définition des détenteurs effectifs des droits visés à l'article 35.

Les provinces et les territoires dont une partie de la population est détentrice de droits métis visés à l'article 35 devraient avoir le même intérêt que le Canada à s'assurer de la création et du maintien de registres des Métis objectivement vérifiables. Cette tâche est essentielle à la réussite juridique de la réconciliation, et c'est pourquoi le Canada ne devrait pas être le seul gouvernement à participer au soutien financier de tels registres.

Recommandation n° 2

Je recommande que le Canada, en temps opportun, mette sur pied et mette en œuvre un régime de financement prévisible, stable et permanent pour assurer le fonctionnement continu des registres des Métis (tels que définis plus haut) conformément au critère de l'arrêt Powley établi par la Cour suprême du Canada.

Je recommande également que le Canada engage le dialogue avec les provinces et les territoires concernés afin de déterminer la mesure dans laquelle ils pourraient soutenir financièrement les registres des Métis.

Je recommande en outre que le Canada poursuive sa contribution à la recherche et à la collecte de données historiques sur l'histoire des Métis afin de faciliter l'identification des Métis au sens de l'article 35.

D. Cadre relatif aux droits des Métis visés à l’article 35

1. Introduction

Au cours du processus de mobilisation, des commentaires m'ont été formulés sur les droits des Métis visés à l'article 35 et sur ce que ce processus devrait inclure en vue de la constitution par le Canada d'un cadre relatif à ces droits. Lors de plusieurs échanges, beaucoup d'autres questions ont été soulevées. Certaines concernaient les droits des Métis visés à l'article 35, d'autres abordaient les concepts liés au principe de l'honneur de la Couronne et à la réconciliation en général. J'ai reçu de nombreuses observations sur l'importance du maintien et de la promotion de la culture et des traditions métisses, notamment de la langue unique des Métis, le michif. J'ai aussi reçu beaucoup de commentaires sur les services, ou plutôt sur les lacunes dans les services, actuellement fournis aux Métis par le Canada et les provinces, sur les aspects à améliorer et sur de nombreux exemples de revendications et de questions non résolues concernant les Métis.

Globalement, trois thèmes principaux ont ressortis du processus de mobilisation sur l'importance de la constitution et de la mise en place d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 : a) la reconnaissance des droits, de l'histoire et de la culture des Métis et des formes de gouvernance métisses; b) les relations entre les Métis, d'une part, et le Canada, les provinces et les territoires, d'autre part; c) la réconciliation en tant que telle. Aux fins de l'analyse ci-après, j'ai articulé les commentaires reçus et les discussions s'y rapportant autour de ces trois thèmes. Voici donc un sommaire de ce que j'ai entendu, de mes observations et, le cas échéant, de mes recommandations.

2. Témoignages et observations connexes

La présente analyse concerne l'ensemble des provinces et des territoires avec lesquels j'ai mené des discussions, mais elle n'a aucunement pour objet de refléter toutes les observations qui ont été formulées lors du processus de mobilisation. Elle vise plutôt à présenter une vue d'ensemble du processus et de certaines questions importantes non abordées dans le rapport concernant le cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35.

En Ontario, j'ai rencontré la Nation métisse de l'Ontario (NMO), le gouvernement de l'Ontario, le bureau régional d'AANC de l'Ontario, la Nation Historic Saugeen Métis, la Nation indépendante des Métis de Red Sky et la Fédération Métisse du Canada.

La NMO est composée de 29 conseils communautaires détenant une charte. Elle est habilitée par ses membres à représenter collectivement leurs droits individuels lors de consultations. La NMO est une plateforme importante pour la défense des intérêts des Métis lors de consultations sur des questions les intéressant. En décembre 2015, l'Assemblée législative de l'Ontario a adopté une loi reconnaissant officiellement la NMONote de bas de page 46.

J'ai constaté des rapports fructueux et constructifs qui sont maintenus entre le gouvernement de l'Ontario et la NMO. Les deux parties ont signé un accord-cadre quinquennal le 17 novembre 2008. Un nouvel accord-cadre de cinq ans a par la suite été conclu le 17 avril 2014 dans le but de favoriser la réconciliation et d'autres approches collaboratives. Ces ententes préconisent la collaboration avec Canada sur la question des droits des Métis et sur les enjeux faisant l'objet de consultations. Les objectifs découlant de l'accord-cadre sont principalement la reconnaissance et le soutien des structures de la NMO, de sa capacité opérationnelle et de sa gestion financière; la reconnaissance et le soutien de l'histoire, de l'identité et de la culture distinctes des Métis et de leur contribution à l'épanouissement de l'Ontario; l'amélioration du bien-être individuel et collectif des Métis; la reconnaissance et le respect des droits des Métis en Ontario, conformément au principe de l'honneur de la Couronne. Je note que l'Ontario consulte régulièrement la NMO sur des questions variées, notamment sur les ajouts aux réserves du gouvernement fédéral.

La NMO dispose d'une politique globale en matière de chasse pour les Métis. Cette politique, coordonnée avec l'entente MNO-Ontario Interim Harvesting Agreement conclue entre l'Ontario et la NMO, protège les droits de récolte des Métis. Par ailleurs, le Fonds de développement Métis Voyageur, établi en 2012, accorde une aide financière aux entreprises métisses. À ce jour l'Ontario s'est engagé à verser 30 millions de dollars dans ce fonds. Toutefois, en ce qui concerne le registre des Métis de la NMO, un arriéré demeure dans le traitement des demandes.

Fait à souligner, le Canada a signé avec la NMO une entente de consultation en juillet 2015. Il s'agit de la première entente conclue avec un gouvernement métis. L'entente définit un ensemble de principes et d'objectifs qui dictent la conduite des parties concernant les questions d'intérêt mutuel faisant l'objet de consultations. Elle établit également un processus de consultations plus clair et plus efficace. L'approche coopérative préconisée est aussi importante que l'objet même de l'entente, car elle favorise l'atteinte des objectifs de reconnaissance des Métis et de réconciliation avec les Métis. L'Ontario représente un exemple positif de ce qui peut être accompli lorsque des partenaires de bonne foi (la NMO, le Canada et l'Ontario en l'occurrence) collaborent pour atteindre des objectifs d'intérêt commun.

Au Manitoba, j'ai rencontré la Manitoba Metis Federation (MMF) auprès de laquelle j'ai obtenu un volume considérable de renseignements par l'intermédiaire de ses organisations et institutions membres qui sont impressionnantes. Il s'agit notamment d'organismes prestataires de services de soins de santé, d'éducation et d'aide sociale ainsi que d'institutions de développement économique, comme le Métis Economic Development Fund. Ce fonds, auquel le Manitoba s'est engagé à contribuer à hauteur de 10 millions de dollars, a été créé afin de fournir des capitaux aux entrepreneurs et aux entreprises métisses. J'ai également discuté avec la Louis Riel Capital Corporation, qui a distribué sous forme de prêts au-delà de 32 millions de dollars à plus de 600 entreprises métisses depuis sa création il y a 23 ans.

J'ai discuté aussi avec le Louis Riel Institute, qui se consacre à l'éducation et à la formation des Métis au Manitoba. Je tiens aussi à mentionner le succès de l'initiative  Emploi et formation pour Métis–Entente relative à la Stratégie de formation pour les compétences et l'emploi destinée aux Autochtones. Quant à elle, la MMF dispose, par l'intermédiaire de son bureau central d'inscription, d'un mécanisme bien rôdé pour l'inscription des Métis. L'organisme cumule toutefois un arriéré dans le traitement des demandes. La MMF a besoin de plus de ressources et des ressources plus stables. Elle s'est aussi dotée d'une politique globale en matière de chasse. Le Manitoba, qui s'est engagé à contribuer à hauteur de 5,5 millions de dollars, et la MMF collaborent depuis peu à la construction de résidences à prix abordable pour les familles métisses.

Je me suis entretenu également avec L'Union nationale métisse St-Joseph du Manitoba, qui représente de longue date les intérêts des Métis. L'organisme veille notamment à promouvoir la culture métisse et à sensibiliser le public à l'importance de sa préservation. Il a récemment pris l'initiative de développer le parc Vermette de Winnipeg dédié à la valorisation de la culture métisse.

J'ai aussi rencontré le gouvernement du Manitoba, qui a dévoilé sa politique sur les Métis du Manitoba (« Politique du Manitoba ») en septembre 2010. Cette politique comprend, entre autres, les principes essentiels suivants :

  • Les Métis sont au premier plan de la fondation de la province du Manitoba.
  • Au Manitoba, les Métis forment un peuple autochtone distinct. Ils possèdent une histoire et une culture propres qui doivent être protégées et valorisées dans le respect des besoins variés des Métis et des valeurs communes de l'ensemble des Manitobains.
  • Au Manitoba, la MMF est l'organisme politique qui représente les Métis qui, collectivement, se définissent comme membres de la Nation métisse.
  • La MMF et le gouvernement du Manitoba sont redevables mutuellement et envers leurs membres ou leurs électeurs respectifs, et l'un envers l'autre.
  • La MMF et le gouvernement du Manitoba disposent des ressources nécessaires au maintien valable de relations renouvelées conformément aux priorités budgétaires du gouvernement du Manitoba.

Le protocole d'entente de 2012 sur la reconnaissance par le Manitoba des droits de récolte des Métis sur un territoire défini est une grande réalisation commune du Manitoba et de la MMF. Ce protocole d'entente mérite d'être particulièrement salué, car il démontre qu'il est possible d'éviter des litiges et de conclure des ententes permettant de traiter et de reconnaître les droits des Métis tout en favorisant la réconciliation.

En Saskatchewan, j'ai discuté avec la Métis Nation of Saskatchewan (MNS). L'organisme est actuellement confronté à des difficultés sur le plan de la capacité et de la gouvernance et sollicite la collaboration du Canada et de la Saskatchewan afin d'aider, de façon appropriée et raisonnable, les Métis de la Saskatchewan à résoudre ces problèmes. J'ai aussi rencontré des institutions et organisations métisses comme l'Institut Gabriel Dumont et le Fonds de développement Clarence Campeau. Ces deux organismes démontrent qu'un soutien financier des gouvernement fédéral et provinciaux à des institutions métisses solides et crédibles peut être judicieux.

J'ai aussi rencontré le gouvernement de la Saskatchewan, qui m'a présenté son approche générale quant au traitement des questions métisses, notamment son First Nation and Métis Consultation Policy Framework de 2010. La Saskatchewan exprime le souhait de travailler de manière proactive avec la MNS sur une variété de questions, par exemple, d'ordre socioéconomique et relatives aux droits des Métis. En 2002, la province a adopté la Métis Act, qui formalise la collaboration entre la Saskatchewan et la MNS sur de nombreuses questions d'importance mutuelle.

En juillet 2015, j'ai participé à l'événement De retour à l'époque de Batoche et au rassemblement des Métis à Batoche, en Saskatchewan. J'ai été profondément touché par cet événement commémorant l'histoire et la culture métisses, en particulier par la performance des violoneux et des gigueurs. J'ai été particulièrement frappé par l'ouverture de la célébration : un énorme drapeau canadien flottait à l'arrière-plan au son l'hymne national. Puis, les vétérans métis présents ont été salués au son de l'hymne et au milieu du drapeau métis. Cet événement à caractère véritablement métis et canadien a permis de situer le contexte historique unique des Métis et de montrer que non seulement ils forment un peuple autochtone distinct, mais qu'ils sont de fiers Canadiens.

En Alberta, j'ai eu des échanges avec la Métis Nation of Alberta (MNA) au cours desquels son programme d'inscription détaillé des Métis m'a été présenté. La MNA m'a également fait part, comme cela a été le cas pour d'autres Membres dirigeants, de son arriéré dans le traitement des demandes et de son besoin de fonds supplémentaires, continus et prévisibles pour réaliser cet exercice important. La MNA m'a également présenté en détail ses programmes étoffés en matière de santé, d'éducation, de services sociaux et de logement.

Je me suis également entretenu avec la Apeetogosan (Métis) Development Inc. (AMDI), établie en 1984 grâce à la participation financière du Canada à hauteur de huit millions de dollars. Depuis 1988, l'AMDI a distribué sous forme de prêts plus de 60 millions de dollars aux entrepreneurs métis et a contribué à la création de 1 000 entreprises appartenant à des Métis de l'Alberta tout en valorisant son capital. J'ai aussi discuté avec le Rupertsland Institute, filiale de la MNA, qui offre aux Métis de l'Alberta d'importants services liés au marché du travail dont l'efficacité a fait ses preuves.

L'Alberta héberge la seule assise territoriale métisse au Canada prévue par la loi dont les Métis assurent eux-mêmes la gestion. Cette assise est constituée de huit établissements métis, Buffalo Lake, East Prairie, Elizabeth, Fishing Lake, Gift Lake, Kikino, Paddle Prairie et Peavine, couvrant environ 1,3 million d'acres et comptant une population d'environ 5 000 habitants. L'histoire et le mode d'établissement uniques des Métis en Alberta ont permis la négociation d'un fondement législatif qui a abouti à la création de ces établissements.

Le Métis Settlements General Council est l'organe politique et administratif qui représente les intérêts collectifs des établissements métisNote de bas de page 47. En 2013, une entente de financement à long terme à hauteur de 85 millions de dollars sur 10 ans a été conclue entre les établissements métis et l'Alberta. La Settlement Investment Corporation est quant à elle une institution de développement économique œuvrant de manière efficace auprès des établissements métis.

J'ai aussi rencontré le Métis Settlements General Council (MSGC), qui m'a dit comprendre le rôle unique joué par l'Alberta dans l'établissement des Métis et dans le financement accordé, mais souhaiter néanmoins avoir une meilleure relation avec le Canada. Les représentants de cet organisme ont exprimé le souhait de voir les terres métisses protégées par la Constitution et mentionné le nombre de revendications non résolues concernant divers dossiers, dont celui des certificats. Ils ont également exprimé des inquiétudes à propos du polygone de tir aérien de Cold Lake et de ses effets sur les activités traditionnelles des Métis, comme la chasse et le piégeage, et sur leurs droits à ces égards. Au cours de nos rencontres avec le gouvernement de l'Alberta, le MSGC m'a exposé sa stratégie concernant les questions métisses, en mettant principalement l'accent sur les établissements métis. Durant la première partie du XXe siècle, l'Alberta a joué un rôle de premier plan dans la création des établissements métis.

L'entente provisoire sur les droits de récolte des Métis de 2004 (l'« Entente de 2004 ») entre l'Alberta et la MNA reconnaît aux Métis membres de la MNA des droits de récolte à des fins alimentaires sans permis, toute l'année et sur toutes les terres publiques non occupées de l'Alberta. En 2007, l'Alberta a résilié cette entente et l'a remplacée unilatéralement par une politique qui limite le droit de récolte à 17 collectivités métisses au nord d'Edmonton, dans un rayon de 160 km de leur collectivité. La résiliation de l'Entente de 2004 est un irritant important pour les Métis de l'Alberta. Par ailleurs, elle a une incidence sur les personnes que l'Alberta consulte au sujet des effets potentiellement indésirables des droits de récolte des Métis.. L'Alberta, la MNA et le Métis Settlements General Council devraient dialoguer et tenter de résoudre le problème de la résiliation de l'Entente de 2004. Ultimement, le cadre de gestion des droits de récolte des Métis en Alberta pourrait reposer sur une entente mutuelle similaire à l'Entente de 2004.

Je me suis aussi entretenu avec l'Aseniwuche Winewak Nation du Canada, dont les membres aiment se désigner comme le « peuple des montagnes Rocheuses ». L'organisme souhaite être reconnu comme groupe autochtone distinct, dont les Métis font partie intégrante.

En Colombie-Britannique, j'ai rencontré la Métis Nation of British Columbia (MNBC), qui m'a expliqué la place qu'occupent les Métis dans l'histoire de la Colombie-Britannique. Le MNBC m'a également renseigné sur son processus d'inscription des Métis et sur ses besoins de financement plus grand et plus stable. L'organisme souhaite établir une relation plus étroite avec le Canada, notamment sous forme de discussions trilatérales entre le MNBC, le Canada et la Colombie-Britannique, afin de traiter  diverses questions comme l'autonomie gouvernementale, le financement, les droits de récolte, les programmes et services. Le MNBC a également exprimé le vœu que la Colombie-Britannique reconnaisse les droits des Métis visés à l'article 35 sur l'ensemble de son territoire.

Je me suis aussi entretenu avec la Fédération des Métis de la Colombie-Britannique et le Kelly Lake Métis Settlement, qui souhaitent tous les deux être reconnus comme organismes défendant  les intérêts de leurs membres respectifs.

Le gouvernement de Colombie-Britannique m'a exprimé son désir de poursuivre sa collaboration avec la MNBC et les autres Métis de Colombie-Britannique. Ses représentants m'ont toutefois clairement indiqué qu'aucune collectivité métisse détentrice de droits de la C.-B. ne répond au critère énoncé dans l'arrêt Powley, et c'est pour cette raison que la province ne consulte pas les Métis au sujet des assertions concernant les droits des Métis visés à l'article 35.

En 2006, la MNBC et la Colombie-Britannique ont signé le Métis Nation Relationship Accord, qui définit leurs relations et porte essentiellement sur des initiatives socio-économiques concrètes, mais ne traite toutefois pas des questions relatives aux droits des Métis, conformément à la position actuelle de la Colombie-Britannique. Cet accord et le protocole d'entente conclu entre la MNBC, la Métis Commission for Children and Families of B.C. et le Ministry of Children and Family Development (ministère des Enfants et du Développement de la Famille) de la Colombie-Britannique sont deux initiatives positives qui démontrent la relation de coopération qui existe entre les Métis et la Colombie-Britannique sur des questions concrètes.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, je me suis entretenu avec la Northwest Territory Métis Nation (NWTMN), qui a surtout orienté ses observations sur l'entente de principe sur les terres et les ressources conclue entre le gouvernement du Canada et celui des Territoires du Nord-OuestNote de bas de page 48. Cette entente de principe, signée en juillet 2015, porte sur différents dossiers, notamment sur les espèces sauvages, les poissons, les arbres, les plantes, les parcs nationaux, les aires protégées, les ressources tréfoncières, le partage des redevances minières et les mesures économiques. L'entente prévoit aussi une cession de plus de 25 000 km² de terres. La NWTMN est aussi partie prenante de l'Entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources des Territoires du Nord-Ouest. L'organisme exprime toutefois des inquiétudes concernant le manque de financement pour ses processus d'inscription et de ratification, et le chevauchement de revendications non résolues avec les Premières Nations. Certains intervenants ont exprimé le souhait qu'un tiers indépendant facilite l'avancement de la réconciliation entre les parties. D'autres espèrent que l'entente sera ultimement protégée par la Constitution afin que les Métis des Territoires du Nord-Ouest soient traités de façon équitable, aussi bien au regard des Premières Nations que de leurs ententes respectives.

Je me suis également entretenu avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le bureau régional des Territoires du Nord-Ouest d'AANC. Tous  deux semblent avoir de bonnes relations de travail avec les Métis des Territoires du Nord-Ouest. J'ai également reçu un mémoire de l'Alliance des Métis de North Slave qui confirme l'identité distincte de ses membres et son désir de voir  leurs droits et leur organisation politique reconnus.

J'ai aussi rencontré des individus et des groupes de l'Est de l'Ontario, dont le Conseil Sou'West Nova Métis de Nouvelle-Écosse. Plusieurs d'entre eux s'identifient clairement comme « autochtones », et dans certains cas, ils ont adopté un mode de vie traditionnel autochtone. Ils apparaissent toutefois comme laissés-pour-compte par les gouvernements, qui n'arrivent pas à définir leur place au sein des peuples autochtones et au regard de l'article 35. J'ai particulièrement pris acte de la situation du Kelly Lake Métis Settlement et de la Aseniwuche Winewak Nation du Canada à cet égard.

Certains groupes disent accepter des membres métis, mais ils se définissent plus largement comme étant « autochtones ». Il s'agit évidemment d'une question complexe et délicate que les gouvernements devront aborder d'un point de vue politique, comme l'a indiqué la CSC dans l'arrêt DanielsNote de bas de page 49. Néanmoins, aux fins de constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35, les critères juridiques établis par la CSC pour déterminer les droits des Métis visés à l'article 35 doivent servir de point de départ à la constitution et à la mise en place d'un tel cadre.

3. Reconnaissance

L'un des thèmes récurrents tout au long du processus de mobilisation a été le désir des gouvernements, institutions et organisations métis d'obtenir une plus grande reconnaissance des gouvernements du Canada et des provinces, de façon générale, et d'AANC, de façon particulière.

J'ai souvent entendu, lors des échanges entre les Métis et le Canada et les provinces concernées, que l'histoire et la culture des Métis en tant que peuple autochtone sont généralement inconnues ou incomprises. La reconnaissance souhaitée par nombre de Métis est celle d'un peuple culturellement distinct et détenteur de droits visés à l'article 35. La légitimité de leurs formes de gouvernance doit, selon eux, être reconnue et leur Nation, et ils ne doivent pas simplement être assimilés à la dénomination générique de peuple « autochtone ». Parmi les autres questions soulevées à propos de cette reconnaissance, quelques-unes sont d'ordre général, comme la création éventuelle d'un centre culturel national de mise en valeur du patrimoine métis, et d'autres sont plus particulières, comme l'application actuelle par AANC de politiques en matière de programmes non fondés sur des distinctions (programmes destinés aux peuples autochtones en général et non aux Métis en particulier).

La question de l'accès des Métis aux politiques, programmes et services fédéraux a également suscité de nombreux commentaires. Même si elle ne fait pas strictement partie du cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35, cette question d'un accès juste et équitable des Métis aux programmes et services est directement pertinente en ce qui concerne la réconciliation et le principe de l'honneur de la Couronne, et par voie de conséquence, l'article 35.

Actuellement, les Métis peuvent bénéficier de services provinciaux auxquels de nombreuses Premières Nations, particulièrement celles qui vivent dans des réserves, n'ont pas accès. Plusieurs représentants métis ont déclaré ne pas vouloir être traités comme les Premières Nations. Les Métis veulent « un coup de pouce, pas l'aumône ». En somme, les Métis souhaitent que le Canada joue un rôle plus important dans leur réalité de peuple autochtone détenteur de droits visés à l'article 35, et qu'il leur assure un traitement équitable conformément aux dispositions qui seraient prévues dans le cadre de réconciliation et au principe de l'honneur de la Couronne.

J'ai relevé des exemples positifs d'accès par les Métis à des programmes et services, notamment d'AANC, de Parcs Canada et de Patrimoine canadien. Toutefois, comme de nombreux programmes ne sont pas fondés sur des distinctions, ils ne sont pas expressément conçus pour les Métis ou pour servir leurs objectifs particuliers, ni ceux plus larges expressément associés à la réconciliation avec les Métis. Il est de l'intérêt supérieur du Canada de s'assurer que des programmes et services répondent de manière globale ou partielle, dans la mesure possible, aux particularités des Métis afin de mesurer les progrès accomplis sur la voie de la réconciliation avec les peuples métis et de les traiter en tant que peuple distinct détenteur des droits visés à l'article 35.

Actuellement, les Métis n'ont accès qu'à une faible proportion des ressources que le Canada réserve pour les affaires autochtones. En fait, la majorité des ressources est consacrée exclusivement aux Premières Nations et aux Inuits. Certains Métis avec qui je me suis entretenu estiment être laissés-pour-compte par le Canada en ce qui concerne les affaires autochtones. Or, les Métis constituent environ le tiers de tous les peuples autochtones du Canada. Aussi, toute tentative sérieuse de réconciliation de la part du Canada avec les Métis doit passer par un examen exhaustif et une réorganisation des programmes et des services fédéraux existants  afin de s'assurer que les Métis soient équitablement reconnus et considérés comme une entité importante au Canada.

De nombreux représentants métis m'ont fait part de leurs inquiétudes concernant la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain (SAMU). Entre 2007 et 2013, la SAMU a partagé une enveloppe de 58,45 millions de dollars pour 908 projets répartis dans 15 villes afin d'encourager les Autochtones vivant en milieu urbain à participer à l'économie. L'institution, dont le financement est assuré jusqu'à la fin de l'exercice 2016-2017, est gérée par l'Association nationale des centres d'amitié (ANCA). Les objectifs de la SAMU de s'adresser aux Autochtones canadiens vivant en milieu urbain sont louables. Les inquiétudes soulevées n'étaient pas dirigées contre l'ANCA ni contre les services qu'elle fournit en vertu de la SAMU. Elles concernaient plutôt la perception selon laquelle le Canada considérait la SAMU comme un programme profitant aux Métis et faisant intervenir des Métis. Or, les Métis avec qui j'ai discuté s'inscrivent en faux contre cette perception. Sans vouloir critiquer l'ANCA, ils ne partagent pas l'idée selon laquelle le programme se concentre sur les questions particulières des Métis et non sur celles plus larges d'« Autochtones vivant en milieu urbain » auxquels certains Métis peuvent appartenir. Une plus grande attention doit être accordée à l'identité et aux besoins distincts des Métis. La SAMU est une initiative importante et précieuse à laquelle les Métis peuvent tenir et contribuer. Elle ne doit toutefois pas être considérée comme une initiative conçue expressément pour répondre à leurs besoins puisqu'ils alors sont en désaccord profond avec ce point de vue.

Globalement, les Métis portent un regard positif sur deux initiatives du Canada : la Stratégie de formation pour les compétences et l'emploi destinée aux Autochtones (SFCEA), gérée par des Métis de l'Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, et le Fonds pour les compétences et les partenariats. Toutefois, le financement de la SFCEA n'a pas augmenté depuis 15 années en dépit d'une hausse importante de la population et de l'inflation. Un financement urgent doit être accordé afin de répondre aux besoins. La SFCEA doit également se concentrer davantage sur les Métis et sur l'incohérence des programmes et des services auxquels les Métis sont actuellement admissibles. Dans son budget de 2016, le gouvernement du Canada prévoit investir 15 millions de dollars sur deux ans dans un projet pilote visant à améliorer la formation et les besoins de la collectivité. On espère que ce projet pilote servira de point de départ au renouveau et à l'amélioration du programme SFCEA existant.

De nombreux programmes actuellement offerts aux Métis par AANC et le Canada sont régis selon un cadre « autochtone » général. Ainsi, bien souvent, les termes « non inscrits » et « Métis » attribués à ces Autochtones sont associés de telle sorte que l'on pense que le lien entre les deux groupes est automatique. Ces termes ne doivent pas être associés. Les représentants des Métis ont maintes fois répété que le fait d'associer ces deux peuples est offensant et dénote une incompréhension ou une méconnaissance fondamentale du caractère distinct des Métis en tant que peuple autochtone au sens de l'article 35. Il existe un réel besoin d'analyser les programmes fédéraux représentatifs touchant les Autochtones afin de s'assurer que leurs objectifs visent expressément les Métis en tant que peuple autochtone distinct au Canada et non un groupe générique d'« Autochtones ».

Le Canada doit saisir cette occasion afinde revoir la façon dont il alloue ses ressources et d'évaluer si celles-ci répondent aux objectifs de la réconciliation. L'intention n'est nullement d'insinuer que les Métis devraient ou souhaiteraient être traités de façon similaire aux Premières Nations en ce qui concerne les programmes et les services. Les Métis souhaitent simplement recevoir un traitement équitable en tant que l'un des trois peuples autochtones du Canada et à l'égard duquel le principe de l'honneur de la Couronne s'applique intégralement. Le Canada a l'occasion de jouer un rôle de premier plan à l'échelle nationale afin de s'assurer que les Métis obtiennent non l'aumône, mais « le coup de pouce » qu'ils réclament. Au bout du compte, c'est le pays tout entier qui en tirera profit.

Recommandation n° 3

Je recommande : que le Canada revoie ses politiques, programmes et services actuels destinés en tout ou en partie aux peuples autochtones afin de s’assurer que les Métis et leurs droits visés à l’article 35 sont considérés de manière formelle et distincte; que le Canada reconnaisse que tout nouveau programme ou service ou toute nouvelle politique destinés aux Autochtones considèrent et traitent, le cas échéant, les Métis et leurs droits visés à l’article 35 de manière distincte et équitable.

4. Relations avec le Canada et les provinces

Les Métis souhaitent ardemment entretenir de meilleures relations avec le Canada et les provinces. Il s'agit de l'un des autres principaux thèmes qui se dégagent du processus de mobilisation. Afin de pouvoir constituer un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35, il est essentiel que des relations respectueuses et transparentes s'établissent entre tous les intervenants.

En 1985, le Canada a créé le Bureau de l'interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits (BIF). L'un de ses objectifs principaux était d'attirer l'attention du fédéral sur les droits des Métis et de servir de liaison entre les Métis et le Canada. En 2004, le BIF a été transféré à AANC afin d'élargir son mandat et ne plus les limiter aux questions concernant uniquement les Premières Nations et les Inuits. Il s'agissait donc de confier à un même organisme gouvernemental la responsabilité de tous les peuples autochtones . En 2011, AANC a adopté le nom d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (auparavant Affaires indiennes et Développement du Nord Canada). Ce nouveau nom reflétait mieux les efforts de collaboration d'AANC auprès de tous les peuples autochtones reconnus par l'article 35. En 2015, AANC a adopté son nom actuel : Affaires autochtones et du Nord Canada. En 2012, AANC a créé une nouvelle Direction : Relations externes et avec les Autochtones au sein de son Secteur des politiques et de l'orientation stratégique. Cette direction agit comme interlocuteur dans le cadre des relations et des ententes de financement établies avec les organisations représentant les Autochtones. Elle sert également de point de contact dans les relations avec les Métis et les Indiens non inscritsNote de bas de page 50. Quant à lui, le Secrétariat des relations avec les Inuits gère les relations avec les Inuits au sein du Secteur Organisation des affaires du Nord d'AANC.

Les représentants métis et fédéraux ont maintes fois répété que le transfert de responsabilité des questions liées aux Métis du BIF à AANC a connu bien des ratés. De nombreux Métis se sont sentis laissés-pour-compte par AANC et ils ont parfois senti de l'indifférence à l'égard de leurs problèmes. Les programmes actuels destinés aux Métis jouent un rôle mineur par rapport à l'immense attention portée aux affaires des Premières Nations et des Inuits. Il n'est donc pas surprenant qu'AANC ait de la difficulté à s'adapter à ses nouvelles responsabilités à l'égard des affaires métisses. Il est vrai que le Canada a toujours estimé que cette question ne faisait pas partie de sa responsabilité législative. L'arrêt Daniels a depuis clarifié que les Métis et les Indiens non inscrits relèvent de l'autorité législative du Parlement en vertu du paragraphe 91(24).

Dans le cadre du processus de mobilisation, AANC a fait preuve d'une réelle volonté de s'occuper des affaires métisses et de trouver des façons d'améliorer le traitement des questions liées aux Métis. Un mécanisme de coordination de ces questions devrait être pleinement intégré aux activités, aux programmes et aux politiques d'AANC, le cas échéant. Les Métis forment un peuple distinct, mais ils ne s'attendent pas à être nécessairement traités de façon similaire aux Premières Nations qui vivent dans les réserves. Néanmoins, les questions propres aux Métis doivent être mieux comprises et traitées.

AANC est l'intervenant principal au sein du système fédéral pour toutes les questions relatives aux Métis. La gestion de ces questions relève entièrement de son administration centrale à Ottawa, à l'exception de son bureau régional dans les Territoires du Nord-Ouest. Il convient de noter que de nombreux bureaux régionaux d'AANC ne considèrent généralement pas les questions liées aux Métis comme un élément essentiel, voire comme faisant partie de leur mandat, et ce, en dépit du fait qu'il ressort du nom même d'« AANC » que les trois peuples autochtones relèvent de leur mandat. Par ailleurs, les représentants métis ont souvent exprimé le souhait d'entretenir des relations de travail avec les bureaux régionaux d'AANC. Certaines provinces ont également indiqué qu'elles souhaitaient avoir une meilleure relation avec AANC sur les questions concernant les Métis, notamment sur la question des bureaux régionaux d'AANC.

Même s'il existe incontestablement des questions métisses d'intérêt national, il existe de façon générale au Canada, et parmi les Métis en particulier, des différences régionales. Il est donc essentiel que le Canada puisse compter sur de bonnes relations avec les Métis dans les régions. Il en va de l'intérêt public et de la bonne marche du processus de réconciliation. À cette fin, le Canada doit s'assurer que ses bureaux régionaux disposent des outils et des pouvoirs nécessaires afin de jouer un rôle moteur dans le processus de constitution et de mise en place d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 au Canada.

Recommandation n° 4

Je recommande que le Canada s'assure : que les bureaux régionaux d'AANC soient chargés, dans le cadre de leur mandat, d'entretenir des relations avec les gouvernements, institutions et organisations métis et avec les gouvernements provinciaux concernés au sujet des questions métisses intéressant leur territoire respectif; que les bureaux régionaux d'AANC disposent des outils et des pouvoirs nécessaires pour jouer un rôle moteur dans le processus de constitution et de mise en place d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 au Canada.

Le RNM et certains Membres dirigeants ont exprimé des inquiétudes au sujet de l'inexistence d'un bureau d'AANC consacré à la gestion des relations entre le Canada et les Métis, et plus particulièrement de leurs droits et intérêts visés à l'article 35. AANC doit désigner clairement un bureau principal et un cadre supérieur ayant la responsabilité exclusive de s'occuper des questions liées aux Métis pour l'ensemble du Ministère.

Recommandation n° 5

Je recommande qu'AANC désigne clairement un bureau principal et un cadre supérieur ayant la responsabilité exclusive de s'occuper des questions liées aux Métis pour l'ensemble du Ministère, notamment des droits et intérêts des Métis en vertu de l'article 35.

Le RNM, ses Membres dirigeants et leurs institutions respectives ont exprimé leur irritation à propos du mode de financement actuel lié aux programmes, plutôt qu'un mode de financement global de gouvernement à gouvernement.

Il est essentiel, pour favoriser une réconciliation durable et des relations épanouies, que le Canada, les provinces et les territoires, le cas échéant, puissent négocier avec des gouvernements métis dûment mandatés, élus démocratiquement et transparents. Il est également important, pour une réconciliation globale, qu'un soutien politique et financier continu et prévisible soit apporté aux gouvernements métis, et ce soutien devrait être considéré comme un progrès accompli par le Canada en vue de  la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35. Il en va de l'intérêt général que les Métis aient une représentation démocratique distincte en tant que peuple détenteur de droits en vertu de l'article 35.

Le Canada apporte actuellement un soutien financier aux Membres dirigeants, au RNM ainsi qu'à d'autres institutions et organisations. Ce soutien prend en général la forme d'un financement de base et d'un financement de projets. Toutefois, ces dernières années, ces deux modes de financement se sont orientés vers des demandes et des allocations de fonds sur une base annuelle. Ce modèle de financement a fait l'objet de nombreuses plaintes et critiques en raison du processus utilisé pour l'attribution des fonds, des fins visées pour ces fonds et de leur valeur. Les intervenants ont indiqué leur grande préférence pour un modèle de financement global tel que celui qui était utilisé antérieurement, plus flexible et convenant mieux aux relations intergouvernementales.

Actuellement, les demandes de financement doivent être déposées avant le début de l'exercice financier, mais leur approbation définitive n'est reçue qu'en cours d'exercice. Il s'écoule souvent plusieurs mois, voire une année entière, avant que le gouvernement, l'institution ou l'organisme métis ne reçoive les fonds. En outre, le caractère restrictif du financement et le manque de flexibilité global nuisent à une utilisation efficace des fonds.

L'incertitude d'un financement attribué sur une base annuelle, les retards dans l'attribution des fonds déjà approuvés, le coût élevé des processus de demande et d'approbation annuels et le manque de flexibilité n'appuient ni ne valorisent la bonne gouvernance. Beaucoup de gouvernements et d'organisations participants ignorent d'une année à l'autre s'ils obtiendront leur financement et, dans l'affirmative, dans quelle mesure et à quelle date ils l'obtiendront. Il est contraire à l'intérêt public que les gouvernements et organisations métis ne sachent pas avec une prévisibilité raisonnable quand et dans quelle mesure ils recevront une aide financière.

Ces commentaires ne visent nullement à dispenser quiconque de son obligation de responsabilité et de transparence à l'égard de l'utilisation des fonds publics. Les organismes de gouvernance ou de prestation de services instables ou mal gérés ne doivent pas être traités de la même façon que ceux qui font preuve de transparence et sont bien gérés. Afin de parvenir à un mode de financement plus global et flexible, il est nécessaire que soient mis en place des mesures en vue de vérifier la capacité et la transparence du processus et d'effectuer des contrôles financiers et administratifs adéquats, et que les gouvernements et organisations métis fassent preuve de transparence et de responsabilité à l'égard de leurs électeurs ou membres. Il s'agit de questions que certains gouvernements et certaines organisations métis doivent aborder. Il existe actuellement un écart entre, d'une part, l'objectif d'instaurer des relations positives, de faciliter la réconciliation et de soutenir la bonne gouvernance et, d'autre part, les actions posées concrètement afin de réévaluer les mécanismes d'approbation et d'allocation de fonds aux gouvernements et organisations métis.

Il est dans l'intérêt public qu'un soutien soit apporté aux gouvernements et aux organismes de représentation et de prestation de services métis gérés de façon prudente, transparente et raisonnable. Il est également dans l'intérêt public que le Canada, les provinces et les territoires, le cas échéant, soutiennent les gouvernements et les institutions qui démontrent leur respect des droits des Métis, leur stabilité et leur gestion démocratique. Toutefois, la façon dont le Canada apporte son aide financière ne permet pas toujours de maintenir, d'encourager et de soutenir de tels gouvernements et de telles institutions, et risque donc de nuire aux objectifs mêmes pour lesquels le financement est accordé.

Il est nécessaire, au moment de discuter des droits des Métis avec la Couronne, de pouvoir compter sur des organismes de gouvernance métisse cohérents, stables et crédibles afin de progresser sur la voie de la réconciliation. Une mauvaise gouvernance peut être un obstacle à la mise en œuvre fructueuse d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35. Par ailleurs, certaines provinces ou certains territoires comptent sur plus d'un gouvernement ou d'un organisme pour représenter les intérêts des Métis. Cette situation est potentiellement délicate, mais elle ne doit pas justifier que l'on ignore certains organismes représentant légitimement des collectivités détentrices des droits des Métis visés à l'article 35. Dans ces cas, une approche au cas par cas serait avisée.

Pour conclure, je tiens à faire observer que dans son budget de 2016, le gouvernement du Canada s'est engagé à verser 96 millions de dollars sur cinq ans aux organismes représentant les Autochtones, dont 10 millions de dollars ont déjà été versés. Il est à espérer que ces fonds favoriseront la promotion et le renforcement de la gouvernance métisse comme évoqué précédemment.

Recommandation n° 6

Je recommande : que le Canada revoie son mode actuel de financement des gouvernements, institutions et organisations métis pour s’assurer que ce financement soit plus stable, plus prévisible, plus flexible et qu’il porte sur une plus longue période; en ce qui concerne les gouvernements métis, que ce financement s’inscrive dans une relation de gouvernement à gouvernement pour un soutien à long terme de la bonne gouvernance.

Une autre question liée aux relations avec le Canada a été soulevée. Elle concerne l'irritation du RNM à propos des retards dans la mise en œuvre du Protocole avec la nation métisse signé à l'origine en 2008, mais renouvelé pour une période de cinq ans en avril 2013. Le Protocole et l'Accord de gouvernance et de responsabilité financière et l'Accord de développement économique des Métis qui l'accompagnent (conjointement, le « Protocole ») portent sur un large éventail de sujets, dont le développement économique, les droits des Métis, la gouvernance, les terres et les ressources, les services à l'enfance et à la famille, le logement, le développement économique, la justice et les services policiers, l'éducation et la formation. Le Protocole prévoit l'établissement de discussions bilatérales entre le RNM, ses Membres dirigeants et le Canada, et des discussions multilatérales entre ces derniers et les provinces de l'Ouest. Ce Protocole est susceptible de jouer un rôle de premier plan dans le renforcement des relations entre le Canada et le RNM et ses Membres dirigeants sur la voie de la réconciliation. Le Canada doit être clair avec le RNM et ses Membres dirigeants sur sa volonté de mettre en œuvre et de financer le Protocole et les accords qui l'accompagnent, le cas échéant. Je note que le budget de 2016 du gouvernement du Canada, par l'entremise de sa Stratégie de développement économique de la Nation métisse, prévoit le versement de 25 millions de dollars sur cinq ans afin de soutenir le développement économique des Métis.

Recommandation n° 7

Je recommande que le Canada examine avec le RNM et ses Membres dirigeants la mesure dans laquelle ces derniers peuvent recevoir un financement stable et en temps opportun afin d'assurer la mise en œuvre du Protocole avec la Nation métisse, de l'Accord de gouvernance et de responsabilité financière et de l'Accord de développement économique des Métis qui l'accompagnent.

Le renforcement des relations entre les Métis, les provinces et les Territoires du Nord-Ouest est également essentiel. En 2012, le Canada a dissolu les forums tripartites qui constituaient une occasion formelle de maintenir un dialogue entre les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et les Métis. Ces forums permettaient d'aborder différentes questions, dont l'autonomie gouvernementale. Les tables tripartites assuraient l'accès à des ressources, que ce soit en matière de leadership, d'expertise ou de capacité, qui ont contribué à la création de plusieurs institutions de gouvernance métisse importantes. Leur succès est attribuable au mode de financement flexible qui était utilisé et à la compréhension que le renforcement des capacités est un aspect important des relations entre la Couronne et les Métis. De nombreuses initiatives fructueuses actuelles, par exemple, dans les domaines de la gouvernance, du développement économique ou du marché du travail métis, ont des racines qui remontent aux ententes de financement pour le transfert de pouvoirs aux gouvernements autonomes des années 1980 jusqu'au début de 1990. Étant donné le rôle important que les provinces et les territoires doivent jouer pour une réconciliation valable avec les Métis, il serait nécessaire de pouvoir compter de nouveau sur ces forums. Je crois savoir que le Canada s'emploie actuellement à rétablir les tables tripartites en Ontario et dans les provinces de l'Ouest et qu'il sollicite la mobilisation des Métis.

Recommandation n° 8

Je recommande que le Canada utilise les forums multilatéraux comme mécanisme de discussion des questions métisses entre les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et les Métis, le cas échéant.

5. Réconciliation

Tout au long du processus de mobilisation, le principe de réconciliation entre le Canada et les Métis a été exprimé comme l'un des objectifs les plus importants pour la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35. Le principe de réconciliation est vaste, mais il consiste essentiellement à régler de vieux griefs et à établir un plan commun pour faire progresser la réconciliation conformément aux lois canadiennes. Un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 peut jouer un rôle important pour progresser sur la voie de la réconciliation.

Pour faire avancer la réconciliation avec les Métis, il est essentiel d'examiner les vieilles revendications et les vieux griefs non réglés. L'absence actuelle de processus et de structures pour aborder les revendications et les questions relatives aux droits des Métis visés à l'article 35 est apparue clairement au cours des discussions que j'ai eues sur les moyens actuellement offerts pour l'application de l'arrêt MMF dans lequel le Canada a été débouté. Nous aborderons ce sujet plus loin. Sans une orientation claire et une politique ou un cadre explicite, il ne faut pas s'attendre à ce que les questions et les revendications des Métis soient résolues. Même si des représentants d'AANC sont parfois enclins à donner une interprétation plus flexible de la politique, ils hésitent à outrepasser leur mandat et le cadre de leurs politiques ou de leurs procédures. Il est nécessaire que des politiques explicites concernant les revendications et les questions sur les droits des Métis visés à l'article 35 soient adoptées afin de faire progresser la réconciliation et d'instaurer un dialogue clair.

À l'exception du recours aux tribunaux, les Métis n'ont actuellement pas d'autres outils formels pour demander au Canada d'examiner leurs revendications liées aux droits visés à l'article 35. Actuellement, la Politique des revendications territoriales globales aborde la question des titres ancestraux qui n'a pas encore été réglée par un traité ou par d'autres moyens juridiques. De même, la Politique sur les revendications particulières est réservée aux Premières Nations et à leurs griefs passés concernant le respect des traités et la gestion des terres de réserves et d'autres actifs par la Couronne. D'autre part, la Special Claims Policy (politique sur les revendications spéciales) ne prévoit aucun mécanisme pour la résolution des revendications métisses. Il faut donc obtenir une orientation du Cabinet au cas par cas. Cette absence de structure ne fait qu'accroître l'incertitude, l'ambiguïté, la complexité et les délais liés à la détermination de la validité des revendications.

Voici quelques exemples de questions métisses non résolues à l'échelle fédérale et provinciale : les revendications territoriales métisses au Nord-Ouest de la Saskatchewan, les inquiétudes concernant le polygone de tir aérien de Cold Lake et ses effets sur les activités de récolte des Métis, la mise en œuvre des commissions des certificats liés à l'Acte des terres fédérales, l'adhésion aux Traités N° 3, les préjudices causés par les politiques fédérales sur les pâturages qui ont entraîné le déplacement de collectivités métisses au Manitoba et en Saskatchewan dans les années 1930 et diverses autres revendications concernant l'omission de la Couronne de consulter les Métis. Le règlement des revendications métisses en suspens est étroitement lié à la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35.

Recommandation n° 9

Je recommande : que le Canada modifie sa Politique des revendications territoriales globales et sa Politique sur les revendications particulières, ou qu’il élabore une nouvelle politique, afin d’aborder expressément les revendications et les questions relatives aux droits des Métis visés à l’article 35; que les modifications apportées ou cette nouvelle politique s’appuient sur les principes juridiques de réconciliation et d’honneur de la Couronne; que le Canada collabore avec les provinces et les territoires concernés afin d’élaborer un processus conjoint permettant de régler les revendications non résolues concernant les droits visés à l’article 35 et les questions s’y rattachant.

Même si le présent rapport s'adresse au Canada, il est nécessaire que les provinces et les territoires visés par les questions métisses prévoient également l'adoption de politiques et d'un cadre de travail explicites afin de régler les revendications non résolues concernant les droits des Métis visés à l'article 35 et d'autres questions s'y rattachant. Le leadership du Canada dans la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 est louable, mais un leadership et des initiatives à l'échelle provinciale et territoriale dans ce domaine doivent également être mises en œuvre. En outre, le Canada doit, dans la mesure du possible, collaborer avec les provinces et les territoires concernés pour l'adoption de stratégies cohérentes concernant les questions relatives aux droits des Métis visés à l'article 35.

Actuellement, le Canada dispose d'une politique de consultation claire concernant les peuples autochtones qui vise expressément les Métis, mais cette politique ne semble pas être appliquée de manière uniformeNote de bas de page 51. On m'a donné des exemples d'absence de consultation des Métis, même si les terres de réserve proposées pouvaient avoir un effet négatif sur les droits et les intérêts des Métis visés à l'article 35. La consultation des Métis n'a pas été effectuée dans plusieurs régions du Canada où un ajout aux réserves est prévu.

Il peut être difficile pour les gouvernements d'arriver à un juste équilibre entre les intérêts contradictoires des Premières Nations et des Métis. Néanmoins, cette difficulté ne doit pas soustraire la Couronne à ses obligation en matière d'honneur. Le respect de ce principe exige la mise en œuvre pleine et entière par la Couronne de ses obligations à l'égard de tous les peuples autochtones en vertu de l'article 35.

Il est essentiel que la Couronne agisse honorablement dans toutes ses interactions avec les peuples autochtones et que l'application du principe de l'honneur de la Couronne ne soit pas interprétée de manière restrictive ni techniqueNote de bas de page 52. La CSCNote de bas de page 53 a statué que l'interprétation de l'article 35 doit être vérifiée au moyen d'une « analyse de l'objet » et qu'en ce sens la Couronne a l'obligation de consulter les peuples autochtones, notamment les Métis. Tout processus visant une réconciliation avec les Métis doit explicitement se conformer au principe de l'honneur de la Couronne, qui se traduit, au moins en partie, par l'obligation de la Couronne de consulter les peuples autochtones.

Recommandation n° 10

Je recommande que le Canada réexamine ses politiques et pratiques à l’égard de l’obligation de la Couronne de consulter les peuples autochtones afin de s’assurer que ces politiques et pratiques sont appliquées dans le respect des Métis et conformément aux lois canadiennes.

Recommandation n° 11

Je recommande que le Canada conclue des ententes de consultation semblables à l’entente signée conjointement avec la NMO et les autres Membres dirigeants du RNM, le Métis Settlements General Council et les Métis qui ne sont pas représentés par ces gouvernements, le cas échéant, afin d’assurer une plus grande certitude à l’égard de la consultation et de progresser sur la voie de la réconciliation.

Enfin, en ce qui concerne l'inscription des Métis et les registres des Métis, certains administrateurs ont insisté sur le besoin de s'assurer que les demandeurs ne sont pas déjà inscrits au registre des Indiens, pour des raisons évidentes. Cependant, les Métis inscrits au registre des Indiens ne peuvent actuellement pas faire retirer leur nom de ce registre même s'ils ne se considèrent pas comme des « Indiens » au sens donné à ce terme dans la Loi sur les Indiens. AANC a confirmé que dans le régime légal actuel, il est impossible de retirer le nom d'un Métis du registre des Indiens.

Cette politique doit être modifiée. Il est vexant que des Canadiens ne puissent pas contrôler leur identité de cette façon. Ainsi, des Métis ne peuvent pas être inscrits au registre des Métis tant qu'ils demeurent inscrits au registre des Indiens. Le Canada doit immédiatement entamer un processus de modification de la Loi sur les Indiens afin de permettre aux individus qui ne s'identifient pas en tant qu'Indiens de faire retirer aisément leur nom du registre des Indiens.

Recommandation n° 12

Je recommande que le Canada entame immédiatement un processus de modification de la Loi sur les Indiens afin de permettre aux Métis qui ne s’identifient pas en tant qu’Indiens de faire retirer aisément leur nom du registre des Indiens.

Certains administrateurs des registres des Métis m’ont également fait remarquer que le processus de demande d’inscription exige qu’ils vérifient auprès du registre des Indiens si l’individu est inscrit en tant qu’Indien. Actuellement, cette vérification du nom des demandeurs métis dans le registre des Indiens ne fait pas partie des tâches formelles de l’administrateur du registre des Indiens. Concrètement, lorsqu’un tel administrateur est retenu par ses obligations quotidiennes ou spéciales, la vérification du nom des demandeurs métis dans le registre des Indiens est reléguée au second plan et occasionne parfois de grands retards. AANC doit revoir le processus relatif aux demandes de vérification du nom des demandeurs présentées par les registres des Métis afin de s’assurer que ces demandes sont traitées de façon raisonnable et efficace et en temps opportun.

Recommandation n° 13

Je recommande qu’AANC revoie le processus relatif aux demandes de vérification des noms des demandeurs présentées par les registres des Métis afin de s’assurer que ces demandes sont traitées de façon raisonnable et efficace et en temps opportun.

Le règlement des questions d’importance symbolique est un élément clé de la réconciliation. Batoche, en Saskatchewan, en est un exemple des plus marquant. Lorsque je me suis rendu à Batoche pour participer à l’événement De retour à l’époque de Batoche en juillet 2015, j’ai profité de l’occasion pour me rendre au Lieu historique de Batoche, où se trouve la fosse des guerriers métis morts lors de la Rébellion du Nord-Ouest. Ce lieu impressionnant est d’une importance historique considérable. Il est troublant de constater que les Métis doivent payer des frais d’entrée pour accéder à ce lieu historique où leurs ancêtres sont morts en défendant leurs droits et leur mode de vie. Le Canada doit y remédier.

Recommandation n° 14

Je recommande que le Canada modifie sa politique actuelle qui exige que les Métis paient des frais d’entrée pour accéder au Lieu historique de Batoche.

Il ressort clairement du droit actuel que l'article 35 ne prévoit pas de hiérarchie des droits autochtones. Les Métis forment un peuple autochtone distinct détenteur de droits autochtones égaux, mais uniques comme les autres peuples autochtones reconnus à l'article 35. Il ne fait aucun doute que la conciliation des droits visés parl'article 35 est un enjeu complexe. Cette complexité ne doit toutefois pas justifier l'ignorance des droits d'un peuple au profit de ceux d'un autre. Cette attitude est incompatible avec le principe de l'honneur de la Couronne et, de façon plus générale, avec l'article 35.

Au cours du processus de mobilisation, il est apparu clairement que les détenteurs de droits métis et les détenteurs de droits des Premières Nations doivent concilier leurs intérêts et leurs droits. La tâche de la Couronne de concilier les intérêts contradictoires de façon juste, raisonnable et transparente en sera facilitée d'autant. Pour parvenir à la réconciliation, tous les intervenants, c'est-à-dire les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et les peuples autochtones et non autochtones, doivent s'approprier la responsabilité de leurs actions et l'objectif ultime de la réconciliation.

Dans ce processus, le Canada a une autre occasion de jouer un rôle de premier plan vers la réconciliation entre les peuples autochtones. Ce rôle sera important pour la constitution et la mise en place d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35, puisque la  réconciliation est l'objectif ultime de l'exercice. Les provinces et les territoires ont également un rôle à jouer dans ce processus important. Il sera également essentiel que les peuples autochtones disposent des outils nécessaires afin de pouvoir régler eux-mêmes les différends qui les opposent, au bénéfice ultime de tous les Canadiens.

Recommandation n° 15

Je recommande que le Canada mette en place les ressources nécessaires et qu’il étudie des mécanismes visant à faciliter, au besoin, une coopération mutuelle entre les trois peuples autochtones en vue de l’atteinte de l’objectif de la réconciliation. Je recommande aussi que le Canada invite les provinces et les territoires à participer au processus par la mise à disposition de ressources et par l’étude de mécanismes visant à faciliter la réconciliation entre les peuples autochtones.

Un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 peut constituer un pas important sur la voie de la réconciliation avec les Métis à laquelle le Canada souhaite parvenir au regard de l'article 35 et de façon plus générale également.

6. Cadre relatif aux droits des Métis visés à l’article 35

La majorité des mémoires reçus pendant le processus de mobilisation concernaient des questions de droits généraux visés à l'article 35. Ils n'abordaient que rarement le processus réel de constitution d'un cadre fédéral sur les droits des Métis visés à l'article 35. Ces mémoires traitaient de l'importance des droits de récolte (chasse, piégeage, cueillette, pêche), de l'obligation de la Couronne de consulter et de son application aux Métis, et du rôle que peut jouer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en tant que cadre de travail pour toute interaction future entre la Couronne et les Métis. Sur ce dernier point, le Canada est l'un des rares États nations à avoir limité le pouvoir juridique de l'État dans sa Constitution afin de protéger les droits des Autochtones. Au Canada, ces droits protégés comprennent ceux des Métis. Dans ce contexte, le régime constitutionnel et légal canadien relatif à la protection des droits des Autochtones et ceux issus des traités est unique et sans égal.

Afin de faciliter son dialogue en vue de la constitution d'un nouveau cadre général pour traiter des droits ancestraux visés à l'article 35, le Canada a publié un document intitulé Le renouvellement de la Politique sur les revendications territoriales globales : Vers un cadre pour traiter des droits ancestraux prévus par l'article 35Note de bas de page 54. Même s'il traite de droits généraux et de revendications globales de la part des Autochtones, ce document mentionne les principes de base qui concernent l'article 35 de façon générale. L'énoncé de principes concernant l'approche fédérale de mise en œuvre des traités modernes du CanadaNote de bas de page 55 et les autres principes abordés dans ce document sont un exemple concret de principes généraux qui peuvent être appliqués concrètement. Dans ce contexte, il serait utile de disposer d'un document qui traite des principes généraux concernant les droits des Métis visés à l'article 35 et de l'approche générale du Canada en cette matière. Ce document faciliterait le travail du Canada et des Métis dans leurs discussions en vue de la constitution par le Canada d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35. Bien entendu, ce document serait provisoire, car il devrait refléter à terme, au moins partiellement, ce qui ressort des efforts de mobilisation du Canada auprès des Métis.

Ce document de travail pourrait servir de base de discussion sur différentes questions de gouvernance qui préoccupent le Canada et les Métis : les formes de gouvernance nouvelles ou modifiées qui pourraient être prévues; la façon dont on pourrait instaurer des gouvernements démocratiques, représentatifs et transparents; les formes gouvernements métis possibles en dehors du modèle traditionnel lié à une assise territoriale. Certaines autres questions pourraient également constituer une base utile de discussion entre les représentants du Canada et les Métis : la façon dont les gouvernements métis peuvent représenter les détenteurs de droits Métis visés à l'article 35, notamment dans le cadre de consultations; la protection et le maintien de la culture et du patrimoine des Métis; les programmes et les services destinés expressément  aux Métis qui améliorent les programmes et services existants; la gestion des droits des Métis visés à l'article 35; le fonctionnement des registres des Métis conformément à l'arrêt Powley; la représentation démocratique globale des intérêts politiques particuliers des Métis.

Les principes énoncés dans un tel document provisoire devraient être incontestables et fondamentaux. Les principes qui suivent sont présentés pour examen par le Canada en vue de la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35.

  • Les Métis constituent un peuple autochtone détenteur de droits uniques et distincts et l'un des trois peuples autochtones reconnus au paragraphe 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982, dont les droits sont reconnus et confirmés à l'article 35.
  • Les droits des Métis sont protégés à égalité avec les droits des Premières Nations (des Indiens) et des Inuits à l'article 35.
  • La réconciliation avec les trois peuples autochtones est un objectif fondamental de l'article 35.
  • La réconciliation avec et entre les peuples autochtones est un élément essentiel de l'édification de la nation canadienne. Il s'agit d'un processus continu.
  • La Couronne dans son ensemble (gouvernements fédéral et provinciaux), est redevable de ses obligations envers les Métis en tant que peuple autochtone détenteur des droits visés à l'article 35.
  • Conformément au principe de l'honneur de la Couronne et à l'atteinte d'une véritable réconciliation avec les Métis, le Canada adopte une approche pangouvernementale à l'égard des droits des Métis visés à l'article 35 et des questions s'y rattachant.
  • Tous les gouvernements, fédéral, provinciaux et territoriaux, doivent jouer un rôle dans la réconciliation avec les Métis.
  • Il n'existe pas de hiérarchie des droits autochtones à l'article 35. Les Métis forment un peuple autochtone distinct détenteur de droits autochtones égaux, mais uniques, comme les autres peuples reconnus à l'article 35.
  • Le principe constitutionnel de l'honneur de la Couronne est un principe directeur pour la Couronne dans ses relations avec les Métis.
  • Le Canada reconnaît le rôle unique que les Métis jouent depuis leur origine dans la fondation et le développement du Canada.
  • La Couronne a l'obligation de consulter, mais aussi, le cas échéant, d'accommoder les Métis quand elle prévoit qu'une conduite est susceptible d'avoir un effet négatif sur des droits, potentiels ou établis, visés à l'article 35.

Vu l'importance de la réconciliation avec les peuples autochtones, le Canada doit entamer le plus tôt possible un processus de mobilisation auprès des Métis, dans la mesure du raisonnable, pour la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35.

7. Processus proposé

Le processus de mobilisation entrepris dans le cadre du Mandat était intentionnellement vaste afin de recueillir une diversité de points de vue. La mobilisation du Canada pour la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 doit également reposer sur un processus vaste et inclusif. L'objectif est toujours de réunir un éventail de points de vue sur la constitution d'un tel cadre. Il s'agit concrètement de s'assurer que cette mobilisation ne concerne pas uniquement les Membres dirigeants et le RNM, mais qu'elle s'étende aux institutions et organisations métisses qui souhaitent être entendues. Il s'agit aussi d'élargir l'invitation à toutes les organisations qui ont pour vocation de représenter les Métis, sans en évaluer la validité au sens de l'article 35.

L'accent doit être mis sur un processus de mobilisation vaste, équitable et transparent qui débouchera sur un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35. Cela, tout en gardant à l'esprit que l'application vraisemblable d'un tel cadre sera plus restreinte puisqu'il visera uniquement les Métis au sens de l'article 35 et de l'arrêt Powley. Le processus de mobilisation ne devra pas prendre une forme monolithique. Il devra être modulé en fonction des besoins du Canada et de ceux des gouvernements, organisations ou institutions métis qui y participent.

Les gouvernements, institutions, et organisations dont la liste figure à l'annexe B du présent rapport devraient servir de point de départ aux invitations du Canada à participer au processus de mobilisation en vue de la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35.

Recommandation n° 16

Je recommande : que le Canada, sous le leadership d'AANC, entame un processus de mobilisation auprès des Métis pour la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35; qu'il utilise à cette fin tous les forums appropriés; qu'il adopte une approche flexible afin d'assurer une mobilisation raisonnable, transparente et vaste; que le RNM et ses Membres dirigeants ainsi que les établissements métis et le Métis Settlements General Council fassent partie intégrante de tout engagement fédéral sur ces questions.

Je recommande également : que le Canada invite tout individu ou toute organisation qui se considèrent comme représentant des Métis à participer au processus, notamment les gouvernements, institutions et organisations métis figurant à l'annexe B du présent rapport; que le Canada travaille de concert avec les provinces et les territoires à la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 et à l'élaboration d'une approche coopérative et coordonnée concernant les Métis et leurs droits protégés par la Constitution.

Je recommande en outre : que le Canada élabore un document de travail sur le processus de mobilisation qu'il entend établir auprès des Métis, exposant les principes de base permettant d'amorcer les discussions sur la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35; que le Canada tienne compte des principes exposés dans le présent rapport afin de les intégrer au document de travail; que le Canada mette en œuvre le processus de constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 le plus rapidement possible.

E. Arrêt Manitoba Metis Federation

1. Introduction

Le cadre du Mandat exigeait également une réflexion sur les moyens de faire progresser la réconciliation avec les Métis au Manitoba, en particulier au regard de l'arrêt MMF. L'utilisation du terme « réconciliation » est importante, car elle met l'accent sur un objectif fondamental du Canada : agir de façon raisonnable et conforme au principe de l'honneur de la Couronne afin de se réconcilier avec les Métis conformément à l'arrêt MMF. Cette tâche signifie d'aborder directement la déclaration de la CSC dans l'arrêt MMF : « La Couronne fédérale n'a pas mis en œuvre de façon honorable la disposition prévoyant la concession de terres énoncée à l'art. 31 de la Loi de 1870 sur le Manitoba » (Jugement déclaratoire dans MMF)Note de bas de page 56.

Avant de faire état de ce que j'ai entendu de la part de la MMF au cours du processus de mobilisation en ce qui concerne l'arrêt MMF et le jugement déclaratoire rendu, il est important de comprendre les principes fondamentaux de l'arrêt MMF et sa signification dans le cadre des lois canadiennes.

2. Arrêt MMF

En 1981, la MMF a sollicité un jugement déclaratoire portant que les terres qui avaient été promises aux Métis et à leurs enfants à  l'article 31 de la Loi de 1870 sur le Manitoba n'avaient pas été cédées conformément à la relation fiduciaire particulière établie entre la Couronne et les peuples autochtones. La Cour du Banc de la Reine du Manitoba a statué que les retards dus à des erreurs et à l'inaction du gouvernement dans la cession de terres aux Métis en vertu de l'article 31 ne constituaient pas une violation de l'obligation fiduciaire ou du principe de l'honneur de la Couronne. La MMF a ainsi été déboutée sur tous les aspects de sa demandeNote de bas de page 57. Par la suite, la Cour d'appel du Manitoba a également refusé de rendre un jugement déclaratoire contre la CouronneNote de bas de page 58.

La CSC a finalement accueilli l'appel de la MMF et rendu un jugement déclaratoire confirmant que le Canada avait appliqué l'article 31 de la Loi de 1870 sur le Manitoba d'une manière qui constitue une violation du principe de l'honneur de la Couronne : « La Couronne fédérale n'a pas mis en œuvre de façon honorable la disposition prévoyant la concession de terres énoncée à l'art. 31 de la Loi de 1870 sur le ManitobaNote de bas de page 59 ».

L'arrêt MMF est une grande victoire pour la MMF et pour tous les Métis du Canada. Il s'agit d'une décision importante sur le plan de la portée de l'article 35 et de la protection qu'il confère et, plus généralement, sur le plan du principe de l'honneur de la Couronne dans sa relation avec tous les peuples autochtones.

Il est important de noter que la CSC a confirmé que la MMF était l'organisme compétent pour défendre « les droits collectifs des Métis » dans le cadre de la demandeNote de bas de page 60. La CSC a conclu que le libellé de l'article 31 de la Loi du Manitoba et que les preuves présentées n'établissent pas de titres ancestraux métis préexistants. Ainsi, le Canada n'avait pas, en vertu des articles 31 et 32 de la Loi de 1870 sur le Manitoba (portant sur le règlement des titres pour les Métis et non Métis), une obligation fiduciaire à l'égard de l'administration et de la cession des terres des enfants des MétisNote de bas de page 61.

La CSC a confirmé que l'honneur de la Couronne était indubitablement en jeu au regard de l'article 31 au sujet des droits territoriaux et a statué que ces droits étaient une « obligation solennelle » et « s'apparent[aient] à un traité » de par leur natureNote de bas de page 62. L'article 31 comportait donc une obligation constitutionnelle envers les Métis alors que l'article 32 a été considéré comme ne mettant pas en jeu l'honneur de la Couronne, car il s'appliquait aussi aux peuples non autochtonesNote de bas de page 63. La CSC a conclu que la Couronne avait violé le principe de l'honneur de la Couronne dans l'application de l'article 31 auprès des Métis :

Après avoir examiné la conduite de la Couronne dans son ensemble et dans le contexte de la situation, y compris la nécessité d'une mise en œuvre rapide, nous sommes d'avis que la Couronne a fait preuve d'un manque persistant d'attention et qu'elle n'a pas agi avec diligence pour réaliser les objectifs des concessions promises à l'art. 31. L'argument du Canada suivant lequel le retard a, dans certains cas, permis aux Métis d'obtenir un meilleur prix de vente est affaibli par la preuve que de nombreux Métis ont reçu trop peu en échange de leurs intérêts potentiels et, de toute façon, cet argument n'absout pas la Couronne de son défaut d'agir honorablement. Le retard dans l'achèvement de la diffusion prévue à l'art. 31 était incompatible avec le comportement que commandait l'honneur de la Couronne.

L'honneur de la Couronne n'exigeait pas que les terres concédées soient déclarées inaliénables. Cependant, la situation telle qu'elle se présentait, et qui était connue de tous, faisait qu'il était important d'attribuer les concessions dans les meilleurs délais et, dans l'intervalle, d'aviser les Métis de l'emplacement des lots qu'ils recevraient. En 1874, dans leurs recommandations sur le processus d'attribution des terres, M. Codd et le lieutenant-gouverneur Alexander Morris ont tous deux reconnu implicitement que le retard encourageait les ventes à moindre prix; pourtant, six autres années se sont écoulées avant que l'attribution soit terminée. Jusqu'à ce que la répartition des lots soit connue et achevée, le retard incompatible avec l'honneur de la Couronne a fait en sorte que les enfants recevaient une valeur artificiellement réduite pour leurs concessions.

Nous sommes d'avis que la délivrance tardive de certificats échangeables contre un lot d'une superficie bien moindre que celle offerte aux autres bénéficiaires illustre encore davantage la tendance persistante au manque d'attention incompatible avec l'honneur de la Couronne qui a caractérisé l'octroi des concessions promises à l'art. 31.

Étant donné qu'il a été établi au procès que les concessions visaient à procurer un avantage aux enfants, individuellement, et non à établir un territoire métis, nous convenons que le tirage au sort pratiqué dans chaque paroisse était une façon acceptable de distribuer les terres et qu'il était compatible avec les objectifs de l'obligation imposée par l'art. 31. Cela dit, le retard dans la distribution des terres, et les ventes qui en ont découlé avant l'obtention des lettres patentes, ont fort bien pu compliquer les échanges de concessions entre Métis qui souhaitaient obtenir des parcelles contiguës.

L'obligation imposée à l'art. 31 envers les Métis fait partie de notre Constitution et engage l'honneur de la Couronne. Le principe de l'honneur de la Couronne exigeait que la Couronne donne une interprétation téléologique de l'art. 31 et qu'elle poursuive de façon diligente l'atteinte des objectifs de cette obligation. Elle ne l'a pas fait. Les Métis s'étaient vu promettre la mise en œuvre des concessions [traduction] « de la façon la plus efficace et la plus équitable possible ». Or, cette mise en œuvre a été inefficace et inéquitable. Cela n'est pas dû à une négligence passagère, mais plutôt à une série d'erreurs et d'inactions qui ont persisté pendant plus d'une décennie. Un gouvernement ayant l'intention sincère de respecter l'obligation que lui commandait son honneur pouvait et aurait dû faire mieuxNote de bas de page 64 [caractères gras et italiques ajoutés].

L'honneur de la Couronne a été invoqué au moment de l'application de l'article 31 puisque la Couronne n'a pas rempli les obligations qui s'y rattachaient. Il convient de noter que la CSC a indiqué que la demande des Métis visant l'obtention d'un jugement déclaratoire avait pour but de faciliter leurs « négociations extrajudiciaires avec la Couronne en vue de réaliser l'objectif constitutionnel global de réconciliationNote de bas de page 65 ». Le processus que le Canada et la MMF cherchent maintenant à mettre en place, à la suite de l'arrêt MMF, vise à répondre à la nécessité de procéder à des « négociations extrajudiciaires ». Il s'agit d'un thème que la CSC a examiné plus d'une fois dans d'autres décisions et considéré comme étant un élément essentiel de la réconciliation.

La CSC a aussi confirmé son rôle de gardienne de la Constitution et confirmé l'influence déterminante qu'aura l'objectif de réconciliation sur l'interprétation des principes constitutionnels :

Nous sommes saisis d'un grief constitutionnel qui a pris naissance il y a près d'un siècle et demi. Aussi longtemps que la question ne sera pas tranchée, l'objectif de réconciliation et d'harmonie constitutionnelle, reconnu à l'art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et qui sous-tend l'art. 31 de la Loi sur le Manitoba, n'aura pas été atteint. Le clivage persistant dans notre tissu national auquel l'adoption de l'art. 31 devait remédier demeure entier. La tâche inachevée de réconciliation des Métis avec la souveraineté du Canada est une question d'importance nationale et constitutionnelle. Les tribunaux sont les gardiens de la Constitution et, comme le précisent les arrêts Ravndahl et Kingstreet, ils ne peuvent être empêchés par une simple loi de rendre un jugement déclaratoire sur une question constitutionnelle fondamentale. Les principes fondamentaux de légalité, de constitutionnalité et de primauté du droit n'exigent rien de moins : voir Renvoi relatif à la sécession du Québec [1998] 2 R.C.S. 217, au paragraphe 72Note de bas de page 66 [caractères gras et italiques ajoutés].

Le jugement déclaratoire dans MMF est directement lié à la « tâche inachevée de réconciliation » avec les Métis et ne relève pas que d'un simple impératif politique ou constitutionnel. Elle s'appuie sur des principes juridiques et sur la primauté du droit, éléments fondamentaux qui permettront au Canada d'appliquer cette Déclaration et d'entamer un processus de mobilisation auprès de la MMF sur cette question.

3. Analyse

La CSC a statué que les mesures réparatrices demandées par les Métis dans l'affaire MMF étaient de nature collective et non individuelle. La CSC a qualifié son jugement déclaratoire relatif aux mesures réparatoires demandées comme étant « à des fins de réconciliation entre les descendants des Métis de la vallée de la rivière Rouge et le CanadaNote de bas de page 67 ». Comme les mesures demandées sont de nature collective, la CSC a statué que cela « justifie que l'organisme représentant les droits collectifs des Métis soit autorisé à ester devant la Cour. Nous sommes d'avis de reconnaître que la MMF a qualité pour agirNote de bas de page 68 » [caractères gras et italiques ajoutés].  

Si l'on se fie aux opinions exprimées par la CSC dans l'arrêt MMF, il ne fait aucun doute que la MMF représente les Métis du Manitoba et qu'elle est habilitée à représenter leurs intérêts directs lors des discussions et des négociations à venir en application du jugement déclaratoire dans MMF.

Malgré l'orientation donnée par la CSC sur cette question, certains intervenants au Manitoba ont soutenu que les Métis du Manitoba formaient une entité collective et qu'à ce titre la MMF ne représentait pas tous les Métis du Manitoba et, qu'à ce titre, tous les détenteurs de droits métis visés à l'article 35 devaient participer au processus de réconciliation. La CSC a toutefois été claire au sujet de la qualité pour agir de la MMF. Par conséquent, le Canada doit axer ses efforts sur la MMF pour donner suite au jugement déclaratoire dans MMF. Le Canada ne doit toutefois pas exclure les autres Métis du Manitoba qui ne sont pas représentés par la MMF. Le Canada et le Manitoba doivent considérer la MMF comme un gouvernement représentatif essentiel pour les Métis du Manitoba, conformément à la directive de  la CSC. Ils ne doivent toutefois pas considérer nécessairement la MMF comme le seul organisme représentatif des intérêts des Métis au Manitoba. À toutes fins utiles, l'orientation claire donnée par la CSC doit être perçue positivement et doit aider le Manitoba et le Canada à négocier avec la MMF en tant qu'organisme représentatif des Métis dûment constitué et reconnu par la CSC.

Étant donné l'incertitude entourant le rôle du Manitoba à ce stade, il est possible que l'accessibilité aux terres dans le cadre d'éventuelles ententes avec la MMF soit plus limitée. Dans ce contexte, le Canada devra adopter une approche flexible qui permettra d'atteindre l'objectif ultime de conclure des ententes constructives avec la MMF qui soient au moins conformes avec la nature du jugement déclaratoire dans MMF. Cette flexibilité pourra se traduire, par exemple, par une attention portée à l'apport financier ou aux revenus plutôt qu'à la cession de terres pure et simple, mais cela dépendra bien sûr du contenu sur lequel les parties conviendront dans l'entente éventuelle.

En ce qui concerne l'application du jugement déclaratoire dans MMF, la MMF a donné sa préférence pour un processus de règlement préalable à celui de la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35, et distinct de celui-ci. Étant donné que le jugement déclaratoire dans MMF a été rendu par la CSC en 2013, il n'y a aucune raison ni nécessité que les discussions concernant l'arrêt MMF soient liées au processus de constitution du cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35.

La MMF a présenté un ensemble exhaustif de questions qui, de son point de vue, pourraient faciliter l'établissement d'un cadre de travail propice à la poursuite de négociations avec le Canada, et éventuellement avec le Manitoba. Les voici :

  • Soutien financier pour les négociations
  • Sujets devant faire l’objet de négociations :
    • bénéficiaires
    • fiducie pour les indemnisations et les règlements
    • autonomie gouvernementale
    • terres
    • questions financières (entente de transfert de fonds, arrangements sur le partage des impôts, transfert de capitaux)
    • faune et pêche
    • droits tréfonciers
    • gestion environnementale
    • gestion des actifs obtenus dans le cadre des règlements
    • programmes
    • revendications transfrontalières
    • territoires partagés et chevauchement des revendications
    • règlement des différends
    • questions liées à la certitude foncière
    • approches ou mesures progressives pour parvenir à des règlements
      (conjointement, les « Sujets à négocier définis par la MMF »)

4. Processus proposé

Les Sujets à négocier définis par la MMF peuvent se comparer à un résumé préparatoire à la négociation d'un règlement de revendications globales. Pourtant, la Politique des revendications territoriales globales, la Politique sur les revendications particulières ou la Special Claims Policy (politique sur les revendications spéciales) ne sont ni appropriées ni conçues pour l'application d'un jugement déclaratoire de la CSC. Le jugement déclaratoire dans MMF n'est pas un appel à la revendication ni ne constitue le règlement d'un litige. Le litige est clos. Il concerne l'application d'un jugement rendu par la plus haute instance judiciaire du Canada, et  plus largement l'application concrète du principe de l'honneur de la Couronne et la réconciliation avec les Métis du Manitoba. L'importance de cette étape est indissociable de l'objectif global de la réconciliation, et le Canada doit s'y atteler sans tarder.

Compte tenu de l'importante sur le plan constitutionnel de l'arrêt MMF et du jugement déclaratoire rendu, les discussions et négociations qui devraient découler de ce jugement devraient être considérées comme visant la mise en œuvre d'un jugement déclaratoire eu égard au principe de l'honneur de la Couronne et à l'objectif d'arriver à une réconciliation avec les Métis du Manitoba.

La MMF est l'organisme de négociation principal des Métis du Manitoba. Nonobstant ce fait, il est essentiel que la transparence des négociations soit assurée et que tous les Métis du Manitoba puissent être consultés de manière appropriée, aussi bien au sujet des négociations qu'au sujet d'éventuelles ententes. Cette consultation doit notamment inclure l'Union nationale métisse St-Joseph du Manitoba. En outre, le Canada et la MMF doivent examiner l'opportunité de tenir une consultation avec les descendants des enfants métis ayant quitté le Manitoba. En définitive, la question est de savoir qui, raisonnablement, devrait bénéficier d'une entente éventuelle entre le Canada et la MMF. Le Canada et le Manitoba tireront avantage d'un règlement juste, transparent, opportun et raisonnable avec les Métis du Manitoba des questions non résolues sous-jacentes au jugement déclaratoire dans MMF.

Le Canada et la MMF, et éventuellement le Manitoba, doivent immédiatement amorcer un dialogue afin de négocier un accord-cadre pour l'orientation des discussions. Compte tenu du temps écoulé depuis que l'arrêt MMF a été rendu en 2013, le Canada doit lancer promptement un processus de mobilisation auprès de la MMF afin de donner effet au jugement déclaratoire dans MMF dans un délai convenable.

Compte tenu aussi de l'importance de ces questions pour le Manitoba, ce dernier serait avisé de participer au processus exposé dans le présent rapport. Le rôle positif que pourrait jouer le Manitoba dans ce processus historique est indéniable. Si toutefois le Manitoba décidait de ne pas participer à cet important exercice de réconciliation avec les Métis de sa province, ce qui serait regrettable dans les circonstances, le Canada ne devrait pas invoquer ce motif pour retarder le lancement du processus. La non-participation de la province réduirait le nombre de possibilités sur la table. L'honneur de la Couronne et l'esprit du jugement déclaratoire dans MMF exigent que ce sujet soit abordé avec sérieux et dans un délai convenable par le Canada, et, si possible, par le Manitoba.

Recommandation n° 17

Je recommande : que le Canada participe immédiatement avec la MMF à la conclusion d'un accord-cadre propice à la tenue de négociations de bonne foi pour donner effet au jugement déclaratoire dans MMF et restaurer l'honneur de la Couronne le plus tôt possible; que cet accord-cadre s'articule autour du concept de la réconciliation et qu'il aborde une diversité de questions telles que le calendrier de négociations, les sujets à discuter, y compris l'examen complet des Sujets à négocier définis par la MMF, les mesures provisoires éventuelles à prendre, les fonds raisonnables nécessaires à la participation de la MMF aux négociations ainsi que les détails du processus de négociations et de ratification; que l'accord-cadre réponde à la nécessité d'une consultation plus large auprès des Métis non représentés par la MMF au Manitoba.

Je recommande également que le Canada et la MMF invitent le Manitoba à participer à ces négociations.

F. Observations finales

Au cours du processus de mobilisation, il est apparu évident que les Métis continueront, comme ils l'ont toujours fait, de jouer un rôle important dans la croissance et le maintien de la prospérité du Canada. Les Métis forment un peuple autochtone distinct qui possède une histoire et une culture uniques ainsi que des droits reconnus à l'article 35.

Nous avons constaté que, selon la province ou le territoire concerné, des variations importantes existaient dans la gestion des questions liées aux Métis en général, y compris les droits des Métis visés à l'article 35. Il serait donc nécessaire d'adopter une politique fédérale flexible, mais cohérente, pour la résolution des questions portant sur les droits des Métis visés à l'article 35. Le manque d'uniformité dans le traitement des questions liées aux Métis à travers le pays est une occasion pour le Canada de jouer un rôle de premier plan, mais non exclusif, sur les questions liées aux droits des Métis de façon générale. Les provinces et les territoires, le cas échéant, ont aussi un rôle important à jouer.

L'initiative du Canada visant à constituer un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 et à appliquer l'arrêt MMF et le jugement déclaratoire rendu est une mesure nécessaire prise en temps opportun en vue de la réconciliation avec les Métis.

J'ose espérer que le présent rapport aidera non seulement le Canada, mais aussi le RNM, ses Membres dirigeants, les établissements métis et le Métis Settlements General Council, les autres Métis ainsi que les provinces et les territoires à progresser et à partager une vision commune d'un Canada assurant l'intégration entière des Métis dans son tissu social et constitutionnel, et ce, au profit de tous les Canadiens.

Annexe A – Liste récapitulative des recommandations

Recommandation n° 1

Je recommande que le Canada mette immédiatement sur pied un programme ou une série de programmes d'éducation pour les fonctionnaires fédéraux qui interviennent sur les questions qui concernent les Autochtones telles que l'histoire des Métis, leur contribution au sein du Canada, les initiatives fédérales concernant les Métis, la culture et les traditions métisses ainsi que les lois canadiennes concernant les Métis et leurs droits visés à l'article 35.

Recommandation n° 2

Je recommande que le Canada, en temps opportun, mette sur pied et mette en œuvre un régime de financement prévisible, stable et permanent pour assurer le fonctionnement continu des registres des Métis (tels que définis plus haut) conformément au critère de l'arrêt Powley établi par la Cour suprême du Canada.

Je recommande également que le Canada engage le dialogue avec les provinces et les territoires concernés afin de déterminer la mesure dans laquelle ils pourraient soutenir financièrement les registres des Métis.

Je recommande en outre que le Canada poursuive sa contribution à la recherche et à la collecte de données historiques sur l'histoire des Métis afin de faciliter l'identification des Métis au sens de l'article 35.

Recommandation n° 3

Je recommande : que le Canada revoie ses politiques, programmes et services actuels destinés en tout ou en partie aux peuples autochtones afin de s'assurer que les Métis et leurs droits visés à l'article 35 sont considérés de manière formelle et distincte; que le Canada reconnaisse que tout nouveau programme ou service ou toute nouvelle politique destinés aux Autochtones considèrent et traitent, le cas échéant, les Métis et leurs droits visés à l'article 35 de manière distincte et équitable.

Recommandation n° 4

Je recommande que le Canada s'assure : que les bureaux régionaux d'AANC soient chargés, dans le cadre de leur mandat, d'entretenir des relations avec les gouvernements, institutions et organisations métis et avec les gouvernements provinciaux concernés au sujet des questions métisses intéressant leur territoire respectif; que les bureaux régionaux d'AANC disposent des outils et des pouvoirs nécessaires pour jouer un rôle moteur dans le processus de constitution et de mise en place d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 au Canada.

Recommandation n° 5

Je recommande qu'AANC désigne clairement un bureau principal et un cadre supérieur ayant la responsabilité exclusive de s'occuper des questions liées aux Métis pour l'ensemble du Ministère, notamment des droits et intérêts des Métis en vertu de l'article 35.

Recommandation n° 6

Je recommande : que le Canada revoie son mode actuel de financement des gouvernements, institutions et organisations métis pour s'assurer que ce financement soit plus stable, plus prévisible, plus flexible et qu'il porte sur une plus longue période; en ce qui concerne les gouvernements métis, que ce financement s'inscrive dans une relation de gouvernement à gouvernement pour un soutien à long terme de la bonne gouvernance.

Recommandation n° 7

Je recommande que le Canada examine avec le RNM et ses Membres dirigeants la mesure dans laquelle ces derniers peuvent recevoir un financement stable et en temps opportun afin d'assurer la mise en œuvre du Protocole avec la Nation métisse, de l'Accord de gouvernance et de responsabilité financière et de l'Accord de développement économique des Métis qui l'accompagnent.

Recommandation n° 8

Je recommande que le Canada utilise les forums multilatéraux comme mécanisme de discussion des questions métisses entre les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et les Métis, le cas échéant.

Recommandation n° 9

Je recommande : que le Canada modifie sa Politique des revendications territoriales globales et sa Politique sur les revendications particulières, ou qu'il élabore une nouvelle politique, afin d'aborder expressément les revendications et les questions relatives aux droits des Métis visés à l'article 35; que les modifications apportées ou cette nouvelle politique s'appuient sur les principes juridiques de réconciliation et d'honneur de la Couronne; que le Canada collabore avec les provinces et les territoires concernés afin d'élaborer un processus conjoint permettant de régler les revendications non résolues concernant les droits visés à l'article 35 et les questions s'y rattachant.

Recommandation n° 10

Je recommande que le Canada réexamine ses politiques et pratiques à l'égard de l'obligation de la Couronne de consulter les peuples autochtones afin de s'assurer que ces politiques et pratiques sont appliquées dans le respect des Métis et conformément aux lois canadiennes.

Recommandation n° 11

Je recommande que le Canada conclue des ententes de consultation semblables à l'entente signée conjointement avec la NMO et les autres Membres dirigeants du RNM, le Métis Settlements General Council et les Métis qui ne sont pas représentés par ces gouvernements, le cas échéant, afin d'assurer une plus grande certitude à l'égard de la consultation et de progresser sur la voie de la réconciliation.

Recommandation n° 12

Je recommande que le Canada entame immédiatement un processus de modification de la Loi sur les Indiens afin de permettre aux Métis qui ne s'identifient pas en tant qu'Indiens de faire retirer aisément leur nom du registre des Indiens.

Recommandation n° 13

Je recommande qu'AANC revoie le processus relatif aux demandes de vérification des noms des demandeurs présentées par les registres des Métis afin de s'assurer que ces demandes sont traitées de façon raisonnable et efficace et en temps opportun.

Recommandation n° 14

Je recommande que le Canada modifie sa politique actuelle qui exige que les Métis paient des frais d'entrée pour accéder au Lieu historique de Batoche.

Recommandation n° 15

Je recommande que le Canada mette en place les ressources nécessaires et qu'il étudie des mécanismes visant à faciliter, au besoin, une coopération mutuelle entre les trois peuples autochtones en vue de l'atteinte de l'objectif de la réconciliation. Je recommande aussi que le Canada invite les provinces et les territoires à participer au processus par la mise à disposition de ressources et par l'étude de mécanismes visant à faciliter la réconciliation entre les peuples autochtones.

Recommandation n° 16

Je recommande : que le Canada, sous le leadership d'AANC, entame un processus de mobilisation auprès des Métis pour la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35; qu'il utilise à cette fin tous les forums appropriés; qu'il adopte une approche flexible afin d'assurer une mobilisation raisonnable, transparente et vaste; que le RNM et ses Membres dirigeants ainsi que les établissements métis et le Métis Settlements General Council fassent partie intégrante de tout engagement fédéral sur ces questions.

Je recommande également : que le Canada invite tout individu ou toute organisation quise considèrent comme représentant des Métis à participer au processus, notamment les gouvernements, institutions et organisations métis figurant à l'annexe B du présent rapport; que le Canada travaille de concert avec les provinces et les territoires à la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 et à l'élaboration d'une approche coopérative et coordonnée concernant les Métis et leurs droits protégés par la Constitution.

Je recommande en outre : que le Canada élabore un document de travail sur le processus de mobilisation qu'il entend établir auprès des Métis, exposant les principes de base permettant d'amorcer les discussions sur la constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35; que le Canada tienne compte des principes exposés dans le présent rapport afin de les intégrer au document de travail; que le Canada mette en œuvre le processus de constitution d'un cadre relatif aux droits des Métis visés à l'article 35 le plus rapidement possible.

Recommandation n° 17

Je recommande : que le Canada participe immédiatement avec la MMF à la conclusion d'un accord-cadre propice à la tenue de négociations de bonne foi pour donner effet au jugement déclaratoire dans MMF et restaurer l'honneur de la Couronne le plus tôt possible; que cet accord-cadre s'articule autour du concept de la réconciliation et qu'il aborde une diversité de questions telles que le calendrier de négociations, les sujets à discuter, y compris l'examen complet des Sujets à négocier définis par la MMF, les mesures provisoires éventuelles à prendre, les fonds raisonnables nécessaires à la participation de la MMF aux négociations ainsi que les détails du processus de négociations et de ratification; que l'accord-cadre réponde à la nécessité d'une consultation plus large auprès des Métis non représentés par la MMF au Manitoba.

Je recommande également que le Canada et la MMF invitent le Manitoba à participer à ces négociations.

Annexe B – Liste des gouvernements, des organisations et des personnes participants

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