Dixième rencontre sur la définition des paramètres de l’enquête : 21 et 22 janvier 2016, Montréal (Québec)
Dans le cadre de l'enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, le gouvernement du Canada a tenu sa dixième rencontre de mobilisation à Montréal (Québec), le jeudi 21 et le vendredi 22 janvier 2016. Des survivantes, des familles et des proches des victimes ont participé à cette rencontre préalable à l'enquête. Leur expérience, leurs opinions et leurs contributions serviront à définir les paramètres de l'enquête.
Vous trouverez ci-dessous un résumé de la rencontre. Ce résumé ne consiste pas en un compte rendu exhaustif des discussions. Il met plutôt en relief les principaux thèmes qui sont ressortis de cette rencontre de mobilisation. Vous pouvez également consulter le guide de discussion ou remplir le sondage en ligne pour faire part de vos propres commentaires.
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Aperçu
La séance de mobilisation de Montréal a été menée sur une période de deux jours auprès de survivantes, de familles et de proches des victimes ainsi qu'auprès d'organisations de première ligne. Le premier jour, les participants se sont inscrits et ont participé à une séance d'orientation, tandis que le deuxième jour les survivantes, les familles et les proches des victimes ont pris part à un cercle de partage avec les ministres. Ensuite, les participants ont discuté de la meilleure façon de définir les paramètres de l'enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Par ailleurs, les organisations de première ligne ont également participé à la discussion concernant la définition de l'enquête.
La première journée comportait une séance d'orientation au cours de laquelle les participants ont été invités à partager leurs récits. Ils ont notamment déclaré qu'ils étaient satisfaits de l'annonce de la mise sur pied d'une enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et qu'ils étaient reconnaissants de pouvoir prendre part au processus préalable à la définition des paramètres de l'enquête.
La deuxième journée a été consacrée à la définition des paramètres de l'enquête. La journée s'est ouverte par des cérémonies traditionnelles, dont la bénédiction de la salle, célébrées par des aînées mohawks, algonquiennes et inuites, qui ont également expliqué la signification de ces cérémonies pour les Autochtones de la région. Une cérémonie de purification de même que l'allumage du kudlik ont eu lieu. Un groupe de joueurs de tambour, composé d'hommes souhaitant témoigner leur soutien envers le processus d'enquête, a quant à lui exécuté une chanson composée spécialement pour les femmes autochtones qui ont été assassinées ou qui sont toujours portées disparues. Pour commencer la journée, les aînées, les ministres et l'animateur ont prononcé des discours d'ouverture. Les participants ont pu écouter et participer à la rencontre dans la langue de leur choix, soit en anglais, en français ou en inuktitut.
Les participants
Des survivantes, des membres des familles et des proches des femmes et des filles autochtones assassinées et disparues ont assisté à la rencontre préalable à l'enquête. Des représentants d'organisations de première ligne y ont également assisté. D'autres personnes ont participé à cette rencontre, notamment :
- l'honorable Carolyn Bennett, ministre des Affaires autochtones et du Nord Canada
- l'honorable Jody Wilson-Raybould, ministre de la Justice et procureure générale du Canada
- l'honorable Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien
Des responsables des ministères étaient également présents tout au long de la séance de participation.
Les ministres ont insisté sur la nécessité de solliciter d'abord les survivantes, leur famille et leurs proches pour « bien faire les choses ».
Près de 75 membres des familles et proches de victimes de collectivités autochtones des environs ont participé à la rencontre. Des aînés et des travailleurs en santé communautaire étaient aussi présents pour offrir leur soutien et s'assurer que les discussions se tiennent dans un contexte favorable.
Leadership et participation
On a demandé aux participants qui selon eux devrait diriger l'enquête et voici, entre autres, ce qu'ils ont répondu :
- des personnes autochtones devraient faire partie de tout organisme chargé de mener l'enquête
- l'équipe qui mène l'enquête doit être composée de personnes qui représentent de multiples facettes et qui adoptent une perspective élargie
- une enquête devrait être menée par quelqu'un avec un style journalistique
- des experts en enquêtes criminelles (autochtones et non autochtones) devraient être impliqués dans la conduite d'une enquête
- un groupe spécial comprenant des membres de familles devrait également faire partie de la direction
- il devrait y avoir un groupe de travail spécial à chaque étape de l'enquête
Les participants ont aussi ciblé les groupes qui devraient avoir l'occasion de participer à l'enquête :
- des membres de familles de chaque collectivité, des aînés, des survivantes, des amis et des témoins
- des travailleurs de première ligne et de soutien
- des policiers, des intervenants en justice communautaire et des contrevenants
- des organisations politiques et des leaders de collectivités autochtones, y compris des chefs, des membres de conseils et des représentants de la tradition ou des guérisseurs
- la participation ne doit pas se limiter aux personnes détenant un titre « officiel », celle des membres de la collectivité est cruciale
- de nombreux ministres et ministères des gouvernements fédéral et provinciaux devraient faire partie du processus d'enquête
- une grande variété d'âges, de générations et de perspectives devraient être représentés lors d'une enquête
- l'enquête doit inclure des hommes et les entendre
- des personnes gaies, lesbiennes et transgenres doivent également faire partie de l'enquête
Les participants ont insisté sur l'importance de faire participer les survivantes, les familles et les proches des victimes. Pour ce faire, ils ont indiqué que l'enquête doit :
- tenir compte que chaque histoire est importante et doit être respectée
- donner assez de temps aux familles pour qu'elles puissent se préparer à participer à l'enquête et s'y rendre
- créer un espace sécuritaire où les familles se sentent à l'aise de partager leurs récits
- tenir compte de la confidentialité et de la sécurité
- veiller à l'égalité dans le cadre de l'enquête – ne pas faire de discrimination entre les différentes collectivités ou les différents groupes autochtones
- traduire les documents imprimés dans les langues autochtones, y compris dans des dialectes précis, et veiller à ce que tous les participants puissent s'exprimer dans la langue de leur choix
- prendre en compte les besoins des collectivités inuites éloignées
- offrir une compensation financière en échange des témoignages, notamment pour la perte de jours de travail et pour les services de garde nécessaires
- fournir un soutien juridique
- organiser des comptes rendus à chaque fin de journée pour permettre aux gens de se détendre
Priorités et questions clés
Les participants ont déterminé les questions que l'enquête doit examiner et auxquelles elle doit répondre en vue de formuler des recommandations pour la prise de mesures concrètes. Parmi ces enjeux, mentionnons les suivants :
- les « accidents » dans les collectivités autochtones doivent faire l'objet d'une enquête, notamment, les noyades, les fusillades, les accidents de voiture et les accidents nautiques
- Les suicides dans les collectivités autochtones doivent faire l'objet d'une analyse détaillée
- les décès dans les établissements
- les pratiques entourant les autopsies, les sciences judiciaires et les enquêtes appliquées aux affaires criminelles impliquant des Autochtones
- la position vulnérable dans laquelle se trouvent les Autochtones qui doivent déménager dans des régions urbaines
- la consommation de drogues et d'alcool dans les collectivités autochtones et par les victimes et les agresseurs, et le lien entre la santé mentale et la toxicomanie;
- le stress post-traumatique;
- les stéréotypes portant sur les femmes autochtones au Canada
- les problèmes d'itinérance aggravés par le racisme
- les enjeux liés aux services policiers, y compris la formation portant sur les interventions dans les collectivités autochtones, le traitement des cas de femmes disparues et assassinées, les stéréotypes et le profilage, et le partage de l'information avec les familles et les collectivités
- la communication entre les divers services de police (dans les réserves et dans les collectivités hors-réserve)
- la violence policière envers les Autochtones et la mort d'Autochtones provoquée par la police
- le traitement des Autochtones dans le système de justice pénale
- les retards du système de justice pénale dans les cas d'Autochtones disparus et assassinés
- les problèmes en matière de compétence – provinciale ou territoriale, fédérale, mais aussi internationale
- le système d'aide à l'enfance et particulièrement les questions d'enfants retirés de leur collectivité
Les participants veulent que le rapport final de l'enquête présente des recommandations concernant la prise de mesures concrètes, notamment :
- faire de la guérison une priorité
- concentrer les efforts sur la prévention et la mise en oeuvre de solutions concrètes
- redonner foi et confiance envers les services policiers
- lancer un examen approfondi sur la manière dont le système de justice pénale traite aux Autochtones
- créer des services visant à aider les Autochtones à utiliser le système de justice
- établir des liens avec les collectivités autochtones pour contribuer à la défense de leurs droits et garantir leur traitement approprié par les institutions
- combler les lacunes présentes dans les services et soutenir les familles vivant à l'intérieur et à l'extérieur des réserves
- créer une banque de données centralisée renfermant des renseignements sur les femmes disparues et assassinées
- veiller à ce que les chefs et les collectivités aient accès aux ressources nécessaires pour répondre à leurs propres besoins
- identifier et marquer de manière appropriée les nombreuses tombes anonymes
- créer des monuments commémoratifs en mémoire des femmes et jeunes filles disparues et assassinées;
- prévoir des fonds et des efforts de sensibilisation en vue de favoriser un retour des pratiques culturelles et des activités traditionnelles
- mettre en oeuvre les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation
- affecter davantage de ressources aux cas de meurtres et de disparitions non résolus;
- intégrer les résultats du processus d'enquête au programme d'éducation provincial afin qu'il ne s'agisse pas de simples statistiques
- sensibiliser les gens à l'histoire des peuples autochtones ainsi qu'aux effets du colonialisme et du racisme
Soutien et pratiques culturelles
Les participants ont souligné la nécessité d'inclure du soutien ainsi que des pratiques et des cérémonies traditionnelles au processus d'enquête. Ce dernier doit aussi comprendre des processus de guérison afin de reconnaître le traumatisme subi par les personnes touchées et de le surmonter.
Voici les recommandations à cet égard :
- les personnes touchées doivent pouvoir bien vivre leur deuil et la guérison de groupe est essentielle
- les gens ont besoin de soutien pour tourner la page, avancer et guérir
- des guérisseurs spirituels doivent être présents
- les services et le soutien doivent se poursuivre après l'enquête
- il faut faire des services en santé mentale une priorité
- il faut constituer des réseaux de soutien communautaires et les élargir
- le respect des différences culturelles doit être garanti
- des fonds doivent être prévus pour la guérison à long terme
Autres commentaires
Les participants ont été invités à fournir leurs commentaires et leurs opinions sur la définition des paramètres de l'enquête et à discuter de questions autres que celles énumérées dans le guide de discussion. Les voici :
- une enquête doit avoir force de loi
- ce problème ne regarde pas que le gouvernement; il concerne aussi les Autochtones, qui doivent en outre faire partie de la solution
- il faut augmenter les fonds réservés aux activités visant à enrayer la violence à l'endroit des femmes autochtones
- les centres d'amitié devraient recevoir davantage de financement pour pouvoir mieux soutenir les Autochtones
- la période précédant l'enquête devrait être plus longue et viser beaucoup plus de villes, y compris de plus petites collectivités
- les rencontres prévues dans le cadre de l'enquête doivent être mieux annoncées (dans les journaux, à la radio et à la télévision)
- des séances particulières à l'intention des personnes, des familles et des groupes dans le cadre de l'enquête devraient être tenues
- dans les lieux où sont entreprises des activités de collecte et d'analyse de données, l'embauche d'Autochtones pour accomplir ces tâches devrait être prévue
- la priorité devrait être donnée au counseling adapté à la culture
- les familles et les survivantes doivent pouvoir obtenir des réponses pour être en mesure de surmonter leurs traumatismes
- il faudrait prévoir un soutien pour le retour à un gouvernement traditionnel