Les traités numérotés (1871-1921)

À l'instar de son voisin du sud, les États-Unis d'Amérique, le nouveau Dominion du Canada croyait que son avenir résidait dans son expansion dans toute l'Amérique du Nord. Bien que l'unification des colonies britanniques du Canada, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse eût permis de créer un seul territoire portant le nom de nouveau Dominion du Canada en 1867, la plupart des partis politiques avaient des visées expansionnistes réclamant l'annexion de la Terre de Rupert, l'énorme territoire recouvrant le bassin hydrologique de la baie d'Hudson. En fait, au cours de la première session du premier Parlement du Dominion, plusieurs politiciens ont réclamé l'acquisition de la Terre de Rupert appartenant à la Compagnie de la Baie d'Hudson (CBH).

L'expansion rapide des États-Unis partout dans l'Ouest a éveillé des craintes chez de nombreux politiciens canadiens, qui avaient peur que les États-Unis annexent la Terre de Rupert. La peur de l'expansionnisme américain était réelle car différents groupes sur les territoires américains réclamaient ouvertement l'annexion des terres de la Compagnie de la Baie d'Hudson. D'un autre côté, certains croyaient que toute expansion du Canada dans les Prairies porterait préjudice aux intérêts des États-Unis.

L'expansion dans l'Ouest était perçue comme un élément essentiel de l'avenir économique du Canada. Sans la Terre de Rupert, le Canada serait confiné dans le nord-est du continent, incapable de tirer profit des ressources et des richesses des Prairies, limité par la bande étroite de terres arables entre les Grands Lacs, et incapable d'attirer de nouveaux immigrants afin d'augmenter la population et de soutenir le commerce. Immédiatement après la proclamation de la Confédération, le Dominion a entamé des négociations avec la Grande-Bretagne et la Compagnie de la Baie d'Hudson en vue de l'acquisition de la charte de la Compagnie visant la Terre de Rupert. L'acquisition de la charte a eu lieu, et le contrôle entier a été transféré par les Britanniques conformément à l'Acte de la Terre de Rupert de 1868 et à la Loi sur le transfert des territoires du Nord-Ouest, en 1870. Après la création du Manitoba, en 1870, le gouvernement Macdonald a établi la structure administrative des Territoires du Nord-Ouest. La Loi sur les Territoires du Nord-Ouest appliquait les champs de compétence du Canada aux Territoires à l'extérieur du Manitoba et contenait des dispositions prévoyant une structure administrative et l'application de la loi canadienne partout dans les territoires.

Même si les Territoires du Nord-Ouest faisaient partie du Canada sur le plan légal, ils n'étaient soumis à aucune autorité du Canada et étaient toujours le domaine des Autochtones. Même si le Dominion avait acquis le titre foncier de la Terre de Rupert, il n'avait aucune façon d'exercer son influence ni sa compétence sur ce territoire.

Dans le cadre des obligations créées par le transfert de la charte de la CBH, le Canada avait la responsabilité de régler toutes les revendications territoriales des Autochtones. Utilisant le modèle des traités de Robinson de 1850, la Couronne a négocié 11 traités entre 1871 et 1921. Ces traités concernaient la région du triangle délimité par le lac des Bois, les montagnes Rocheuses et la mer de Beaufort. Comme pour ce qui est des traités Robinson, les traités numérotés promettaient des terres de réserve, des annuités et le droit permanent de chasser et de pêcher sur les terres de la Couronne inoccupées en échange de titres ancestraux. Toutefois, ces traités contenaient aussi des clauses très similaires à celles de nombreux programmes de civilisation exécutés dans le Centre du Canada. Tous les traités comportaient des clauses pour les écoles ou les enseignants aux fins de l'éducation des enfants, et il était prévu que des instruments agricoles soient offerts pour aider les signataires autochtones à assurer une transition vers un style de vie axé sur l'agriculture. On encourageait les signataires autochtones à s'établir sur les terres de réserve dans des communautés sédentaires, à apprendre les rudiments de l'agriculture et à recevoir une éducation. Les commissaires responsables des traités ont expliqué que les réserves visaient à aider les Autochtones à s'adapter à la vie sans la chasse aux bisons et que le gouvernement les aiderait dans la transition vers l'agriculture en leur fournissant des outils et d'autres instruments agricoles.

À la base, les traités constituaient des actes de cession de terres à une très grande échelle. Au total, 11 traités numérotés ont été négociés pendant cette période, laquelle s'est terminée par le Traité no 11, en 1921. De plus, aux yeux du gouvernement fédéral, la signature des traités a fait en sorte que les Autochtones du Nord-Ouest sont devenus assujettis au Dominion du Canada et à ses lois. Les premiers traités numérotés – les Traités nos 1 à 7 – sont devenus le moyen du ministère des Affaires indiennes pour mettre en œuvre des politiques sur l'assimilation à l'époque et par la suite dans le Nord-Ouest, alors que les derniers traités ont permis l'ouverture du Nord et ont donné accès à des ressources naturelles d'importance.

Ce ne sont pas tous les Autochtones des Territoires du Nord-Ouest qui étaient à l'aise avec les conditions des traités offertes par les représentants de la Couronne. Citons en exemple le chef cri influent Big Bear, qui était mécontent des conditions du Traité no 6; il ne les acceptait pas. Comme il refusait de signer le traité pour 7 autres années, Big Bear et ses partisans se déplaçaient librement dans les Prairies pour faire pression sur la Couronne afin qu'elle renégocie les traités au moyen de conditions plus favorables pour les signataires des Premières Nations. Après des années de misère en raison de la disparition du bison, vivant des rations de la Police à cheval du Nord-Ouest, et comme le nombre de ses partisans diminuait, Big Bear a finalement accepté de signer le Traité no 6 en août 1883 et de s'établir dans une réserve. Big Bear et ses partisans constituaient l'un des derniers groupes autochtones non assujettis à un traité dans les Prairies.

Bien que les traités négociés entre 1871 et 1921 soient principalement axés sur le modèle des traités de Robinson de 1850, ils ne sont pas tous identiques. La forme et la portée générales de ces ententes sont similaires, mais les circonstances propres à la signature de chacun des traités font en sorte qu'ils comportent tous des clauses uniques. En tant que produit d'une négociation entre des parties ayant parfois des intérêts incompatibles, chaque traité reflète les buts et les désirs ardemment souhaités des parties.

À titre de premiers traités négociés dans l'Ouest du Canada, les Traités nos 1 et 2, conclus en 1871, comportent moins de clauses que les traités suivants. Par exemple, ces traités sont les seuls qui ne précisent pas que les signataires des Premières Nations conservent le droit permanent de chasser et de pêcher sur les territoires visés par les traités. La superficie des terres de réserve par bande a également été fixée à 160 acres par famille de 5 personnes, clause qui figure uniquement dans les Traités nos 1, 2 et 5 visant la province actuelle du Manitoba. En outre, l'annuité liée aux traités était de 3 $ au moment de la signature des traités, alors que celle de tous les autres traités numérotés était de 5 $. Ces différences, ainsi que les plaintes liées aux promesses non incluses dans les textes des traités, ont mené à l'adoption d'un décret en 1875, lequel a fait grimper le montant de l'annuité à 5 $ et a répondu aux plaintes.

Lors de la troisième tentative du Canada de négociation d'un traité pour les terres essentielles entre le lac Supérieur et la rivière Rouge, le Traité no 3 a été conclu en 1873 au lac des Bois. La négociation lourde entre les Premières Nations et l'importance stratégique des terres en question ont permis d'établir un traité comportant des clauses différentes de celles des traités signés en 1871. Conformément à ce traité, la superficie des terres de réserve était beaucoup plus grande – c'est-à-dire 640 acres par famille de 5 personnes –, et le traité garantissait le droit de chasser et de pêcher sur les terres inoccupées de la Couronne et une annuité de 5 $. Il prévoyait aussi une gratification unique plus élevée de 12 $ par personne et une allocation annuelle de 1 500 $ pour l'achat de munitions et de ficelle. Lorsque le Traité no 4 a été négocié à Fort Qu'Appelle l'année suivante, les conditions du Traité no 3 en étaient le point de départ. En fin de compte, les différences entre les Traités nos 3 et 4 sont relativement mineures; par exemple, dans le Traité no 4, on a affecté 4 conseillers au lieu de 2, les chefs et les conseillers recevaient une gratification plus importante, le piégeage s'ajoutait à la chasse et à la pêche, et seule une allocation de 750 $ était prévue pour l'achat de munitions et de ficelle. Lorsqu'il a été proposé de négocier pour les terres entourant le lac Winnipeg, c'est encore le Traité no 3 qui a servi de référence. En définitive, les conditions du Traité no 5 étaient similaires, excepté que la superficie de la terre de réserve était de 160 acres par famille de 5 personnes, comme dans les Traités nos 1 et 2, et que le traité prévoyait un paiement unique de 500 $ pour les munitions, la ficelle, les outils et les instruments agricoles.

Après l'interruption de la construction d'une ligne télégraphique à travers les Prairies du Centre, les commissaires responsables des traités ont été envoyés pour négocier un autre traité pour les riches terres agricoles de la rivière Saskatchewan Nord. Bien que le Traité no 6 comporte toutes les conditions habituelles – 640 acres par famille de 5 personnes pour la terre de réserve –, il comportait aussi 3 conditions uniques. Il a été établi qu'une armoire à médicaments serait entretenue par l'agent des Indiens pour son utilisation par la bande, que de l'aide serait fournie en cas de famines et d'épidémies et qu'une fois que l'arpentage des bandes serait terminé, les signataires du traité recevraient un supplément de 1 000 $ par année pour contribuer à la culture de la terre pendant les 3 premières années. Lorsque le traité final du sud a été conclu en 1877, les 3 clauses spéciales du Traité no 6 n'ont pas été reconduites. Toutefois, le Traité no 7 est différent d'une autre manière par rapport aux autres traités numérotés. Alors que les autres traités comportaient des dispositions concernant le nombre d'instruments agricoles, les signataires du Traité no 7 souhaitaient axer leurs efforts dans le domaine agricole sur l'élevage du bétail. Avec cette idée en tête, les commissaires responsables du traité ont accepté de réduire le montant rattaché aux instruments agricoles et aux collections de semences en échange d'un nombre accru de têtes de bétail; toutefois, une exception s'appliquait à certaines bandes qui voulaient mettre l'accent sur l'agriculture. Une autre différence importante par rapport aux traités antérieurs est que dans le Traité no 7, il est prévu que la Couronne payait les salaires des enseignants, au lieu de l'entretien des bâtiments des écoles. En outre, on ne promet pas des écoles dans les réserves; on garantit seulement que le gouvernement paiera les salaires des enseignants.

Les traités négociés entre 1899 et 1921 sont tous relativement similaires, malgré quelques différences marquées. L'ajout principal aux Traités nos 8 et 10 concernent des dispositions prévoyant 160 acres pour les personnes qui choisissent de vivre à l'extérieur des bandes. Connu sous le nom de « terres en propriété individuelle », ce concept se voulait une réponse au fait que la densité des populations n'était pas aussi importante dans le Nord. Comparativement aux autres traités numérotés, c'est le Traité no 9 qui comporte le plus grand nombre de différences. L'annuité était de 4 $ au lieu de 5 $, et on ne prévoyait pas de distribution de munitions ni de filet, aucun instrument agricole, ni d'outils de charpenterie, et pas de salaires ni de vêtements pour les chefs et les conseillers.

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Transcription textuelle des traités numérotés :

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