L'histoire des traités au Canada

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L'histoire des traités au Canada

Au Canada, l'établissement des traités a eu des répercussions vastes et de longue durée. Les traités que la Couronne a signés avec les peuples autochtones depuis le XVIIIe siècle ont permis de façonner le Canada tel que nous le connaissons. En fait, une grande partie du territoire du Canada est visé par des traités. Ce processus d'établissement de traités entre les Autochtones et les non-Autochtones au Canada, qui a évolué sur une période de plus de 300 ans, découle des premières relations diplomatiques entre les Européens qui sont arrivés au pays et les Autochtones. À mesure que les deux parties ont forgé des alliances militaires, elles ont commencé à façonner le Canada. Ces rapports diplomatiques ont constitué les premières étapes d'un long processus qui a mené aux ententes de règlement de revendications territoriales globales qui existent actuellement entre le Canada et les groupes autochtones.

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Conflits coloniaux: l'époque franco-britannique 1534-1763

Premiers rapports diplomatiques coloniaux

Les puissances coloniales européennes et les groupes autochtones en Amérique du Nord avaient tous une longue tradition de diplomatie et de rapports fondés sur des traités établie au cours des siècles qui ont précédé l'arrivée des Européens. La diplomatie entre les Européens et les peuples autochtones a rapidement donné lieu à une dynamique de conclusion de traités qui a adopté des aspects de chaque culture. Chacun des groupes a adapté des pratiques et des protocoles de l'autre afin de faciliter le processus. Ce cadre a évolué au cours des 300 années qui ont suivi, à mesure que les relations se développaient, et a permis aux groupes disparates d'Autochtones et d'Européens de travailler à la poursuite d'objectifs d'intérêt mutuel.

Grâce aux alliances commerciales, les entreprises coûteuses que représentaient les colonies européennes se sont soldées par des réussites au plan économique. Avec l'aide des chasseurs autochtones dans le commerce des fourrures, l'exportation de fourrures vers l'Europe a généré d'énormes profits pour un investissement relativement minime. À mesure que l'expansion coloniale continuait et que les conflits européens s'étendaient en Amérique du Nord, les autorités coloniales et militaires britanniques et françaises ont commencé à dépendre en grande partie de leurs nouveaux alliés autochtones pour les aider à défendre leurs colonies et à mener des offensives contre leurs ennemis.

Traité d'Albany de 1701

La Confédération iroquoise était depuis longtemps l'un des peuples dominants de la région des Grands Lacs. En raison de l'alliance formée par la France avec les Hurons, les Algonquins, les Montagnais et les Abénakis, et de l'incapacité des Iroquois d'avoir accès au commerce avec les Français, les Iroquois ont établi des relations commerciales et des alliances avec des marchands hollandais et, plus tard, avec les Britanniques le long de la rivière Hudson. En signant des accords, telle la chaîne d'alliance, les Iroquois et les Britanniques ont constitué une alliance militaire qui allait durer jusqu'au XIXe siècle. Cette alliance a grandement contribué aux guerres coloniales que la Grande-Bretagne a menées contre les Français, et a aidé les Iroquois à contrôler en grande partie le commerce de la fourrure. Ayant de nouvelles armes, les Iroquois ont entrepris de perturber le contrôle que les Hurons exerçaient sur le commerce des fourrures. Ces attaques ont continué jusqu'en 1701, alors que la France et ses alliés autochtones ont signé avec les Iroquois un traité connu sous le nom de la Grande Paix de Montréal. Cet accord a mis fin aux conflits violents entre les différents groupes autochtones du bassin des Grands Lacs et leur a permis de partager les terres comme s'il s'agissait d'« un plat avec deux cuillères ». Grâce à ce coup de génie de géopolitique coloniale, la Confédération iroquoise s'est non seulement assuré une paix stable avec les autres peuples autochtones de la région, mais elle a également obtenu la protection britannique de ces mêmes terres et intérêts. Juste avant la conférence tenue à Montréal en 1701, les chefs iroquois, qui s'étaient rendus à Albany, dans la colonie de New York, ont accepté de céder toutes les terres des Grands Lacs aux Britanniques en échange de la protection de ceux-ci et du maintien de leur droit de chasse et de pêche sur l'ensemble du territoire. Grâce à deux manoeuvres diplomatiques, la Confédération avait obtenu une protection contre les attaques des Français, l'engagement des Britanniques de les défendre ainsi que l'accès aux terres des Grands Lacs oû abondaient les animaux à fourrure.

Traités de paix et d'amitié

Les événements qui se déroulaient en Europe avaient souvent de profondes répercussions sur le Nouveau Monde. Par le Traité d'Utrecht, signé en 1713, la France a cédé une partie de l'Acadie à la Grande-Bretagne, gardant l'île Royale (île du Cap-Breton) et l'île Saint-Jean (aujourd'hui l'Île-du-Prince-Édouard) comme seules possessions françaises dans la région. À mesure que la Grande-Bretagne commençait à structurer et à exercer son autorité sur sa colonie de la Nouvelle-Écosse, il lui a fallu composer non seulement avec les colons français, mais également avec les alliés autochtones de la France dans la région. Craignant l'alliance des peuples autochtones avec les Français, l'autorité coloniale a entrepris de négocier une série de traités avec les nations des Mi'kmaq et des Malécites. Grâce à ces traités signés entre 1725 et 1779, la paix et l'amitié seraient assurées entre la colonie et la population autochtone. Les Mi'kmaq et les Malécites profiteraient ainsi de meilleures conditions commerciales et recevraient l'assurance que leurs pratiques religieuses seraient respectées. Dans l'ensemble, ces traités constituaient de simples accords comportant des engagements visant à maintenir des relations pacifiques. Ces traités ne portaient sur aucune cession territoriale et, à l'exception des traités de 1752 et de 1760-1761, qui comportaient une clause commerciale précise, ils ne visaient que le rétablissement de relations normales entre les parties après des conflits armés.

Fin de la Guerre de Sept Ans et traités

Pendant la majeure partie de cette période, la France et la Grande-Bretagne ont livré une guerre presque constante contre les colonies de l'autre. Les guerriers autochtones se sont révélé des éléments essentiels – voire indispensables – pour les deux armées. Recherchant désespérément une aide militaire au cours de la Guerre de Sept Ans, le dernier conflit franco-britannique en Amérique du Nord, les administrateurs britanniques ont créé le premier département des Indiens en 1755, afin de mieux coordonner les alliances avec la puissante Confédération iroquoise et de répondre aux préoccupations en matière de fraude au sein de la colonie et de mauvais traitements envers les Premières nations et leurs terres le long de la frontière de la colonie.

La fin de ce conflit en 1763 a non seulement entraîné d'importants changements au sein de la colonie, mais également dans les relations diplomatiques entre les groupes autochtones et les Britanniques. Lorsque la France a perdu ses deux plus importants établissements, Québec et Montréal, son alliance de longue date avec les Autochtones a pris fin quand ses alliés se sont déclarés neutres dans le conflit européen en signant le Traité de Swegatchy, en 1760. Un autre traité, le Traité de Murray, baptisé en l'honneur du général James Murray, commandant des forces britanniques à Montréal, a protégé la communauté huronne-wendat et ses intérêts dans les environs de son village, près de Québec. En conjuguant missions militaires et diplomatiques, le département des Indiens et son surintendant, William Johnson, ont réussi à établir des relations pacifiques, bien que quelque peu difficiles, avec les différents peuples autochtones.

La Proclamation royale de 1763

À l'issue de la Guerre de Sept Ans, la Grande-Bretagne était devenue la principale puissance européenne dans une grande partie de l'Amérique du Nord et contrôlait l'ensemble du lucratif commerce de la fourrure. Certes, les Britanniques étaient la principale puissance européenne en Amérique du Nord, mais ils ne contrôlaient pas complètement le continent. Les Britanniques comprenaient que le succès des colonies britanniques en Amérique reposait sur des relations stables et pacifiques avec les peuples des Premières nations. En 1763, une Proclamation royale a été publiée, annonçant la façon dont les colonies seraient administrées et établissant une frontière occidentale ferme pour les colonies. Une fois cette frontière établie, toutes les terres à l'ouest sont devenues des « territoires indiens » oû aucune colonie ne pouvait être établie et aucun commerce ne pouvait avoir lieu sans l'autorisation du département des Indiens et sans le contrôle rigoureux de l'armée britannique.

La Proclamation établissait également des protocoles très rigoureux pour toutes les négociations avec les peuples des Premières nations. Le département des Indiens devait constituer le principal point de contact entre les Autochtones et les colonies. De plus, seule la Couronne était autorisée à faire l'acquisition de terres appartenant aux Autochtones par l'entremise de représentants officiellement sanctionnés qui transigeraient avec les peuples autochtones intéressés, au cours d'une assemblée publique. La Proclamation royale devint la première reconnaissance publique des droits des Premières nations en matière de terres et de titres.

Les traités dans une colonie en croissance

À la fin du XVIIIe siècle, les rapports entre les peuples des Premières nations et la Couronne reposaient encore en grande partie sur les besoins commerciaux et militaires. Alors que l'administration britannique était en train de se structurer dans tout le bassin des Grands Lacs, le principal objectif du département des Indiens consistait à maintenir la paix entre les soldats et les négociants britanniques dispersés dans les postes de traite, qui constituaient une très petite minorité, et les nombreux groupes autochtones bien armés qui habitaient ces terres. Sous la direction de Sir William Johnson, le département des Indiens a agi à titre d'intermédiaire entre l'armée et les chefs des Premières nations pour obtenir des terres pour la construction de forts ainsi que l'accès au commerce, aux fourrures et aux biens, offrir annuellement des cadeaux et organiser des conférences de paix. Comme l'a écrit Sir William Johnson dans une lettre au gouvernement britannique, la seule façon de faire prospérer les intérêts commerciaux britanniques dans l'intérieur consistait à protéger les intérêts des groupes des Premières nations, en raison de la position prédominante de ceux-ci.

Le déclenchement de la guerre d'Indépendance américaine et la reconnaissance ultérieure des États-Unis d'Amérique, en 1783, ont eu de profondes répercussions sur le rapport entre la Couronne britannique et les membres des Premières nations alliées. La perte des colonies américaines a entraîné l'arrivée de quelque 30 000 Loyalistes de l'Empire-Uni qui se sont réfugiés dans les colonies britanniques restantes en Amérique du Nord. Formant un puissant groupe de personnes qui avaient tout perdu en raison de leur allégeance à la cause britannique, ces Loyalistes ont réclamé aux administrateurs des colonies de nouvelles terres. Il n'y avait pas que des colons parmi les réfugiés; les Autochtones qui s'étaient battus aux côtés des Britanniques, notamment les Six Nations de la Confédération iroquoise, avaient également été dépossédés par la guerre. En réaction à ces demandes, une série de traités visant la cession de terres ont été négociés par les représentants du département des Indiens avec divers peuples abishnabe et ojibway qui occupaient les terres le long du fleuve Saint-Laurent et autour des Grands Lacs. Antérieures, pour la plupart, à l'arrivée des colons dans cette région, ces cessions ont permis d'établir une colonie agricole de façon remarquablement pacifique. En même temps, deux parcelles de terre ont été mises de côté à titre de réserves pour les Six Nations – l'une dans la baie de Quinte et l'autre le long de la Grand River – afin de compenser les alliés autochtones pour les pertes qu'ils avaient subies pendant la guerre contre les Américains.

Pour les chefs militaires britanniques et le département des Indiens, il était primordial de maintenir de fortes alliances militaires entre les Britanniques et les peuples des Premières nations au cours des dernières décennies du XVIIIe siècle. Craignant un futur conflit avec le nouvel État américain au sud, les Britanniques voyaient le grand nombre de guerriers autochtones comme un élément important de la défense de la colonie. Le département des Indiens cherchait à consolider les alliances fragilisées en tentant de négocier des accords équitables en matière de cessions, en protégeant les terres des Premières nations et en offrant annuellement des cadeaux et des armes au cours d'assemblées et de conférences avec les chefs et dirigeants autochtones, y compris ceux dans les territoires américains. Ces alliances se sont révélées solides lorsque la guerre a fini par éclater entre la Grande-Bretagne et ses anciennes colonies. Pendant la guerre de 1812, les peuples des Premières nations se sont battus aux côtés des Britanniques et des Canadiens afin de repousser l'invasion américaine dans ce qui est maintenant le sud de l'Ontario.

L'époque britannique 1764-1860

Des relations changeantes

Moins de 50 ans après que les premières cessions de terres eurent attiré des colons dans le Haut-Canada, la population non autochtone était devenue plus nombreuse que les Autochtones dans le bassin des Grands Lacs. À mesure que d'autres colons arrivaient, le rythme des cessions de terres s'est accéléré afin de leur octroyer des terres pour l'agriculture. En tout, quelque 35 cessions de terres ont été conclues dans l'ensemble du Haut-Canada, depuis les terres agricoles fertiles du sud jusqu'aux terres riches en ressources naturelles du lac Supérieur et de la baie Georgienne. À mesure que de plus en plus de terres étaient convoitées, les colons ont commencé à exercer des pressions afin d'obtenir les terres appartenant aux peuples des Premières nations. Toutefois, certains de ces traités territoriaux ont posé des problèmes par la suite en raison du manque de précision des descriptions, de signatures manquantes et du manque de clarté des frontières. Après un siècle de plaintes et une commission d'enquête, deux nouveaux traités, les Traités Williams, ont été signés en 1923 afin de régler toute revendication non réglée dans les terres du centre de l'Ontario.

« Civiliser l'Indien »

L'établissement de relations pacifiques entre les États-Unis et la Grande-Bretagne a radicalement modifié la perception des Britanniques à l'égard des peuples des Premières nations. La fin de la guerre de 1812 a entraîné la disparition des menaces militaires qui pesaient sur les colonies, mais également celle du rôle militaire que jouaient les alliés autochtones. Alors que ce rôle déclinait, de nouvelles idées et stratégies face à cette relation ont commencé à se répandre. Convaincus de la supériorité des idéaux et de la société britanniques, et nourris par une ferveur missionnaire, les Britanniques ont mené dans tout l'Empire des initiatives visant à « civiliser » les peuples autochtones. Le département des Indiens devint le vecteur de mise en oeuvre du nouveau plan de « civilisation » dans les colonies du Haut et du Bas-Canada. S'appuyant sur la conviction qu'il était du devoir des Britanniques de convertir les peuples des Premières nations au christianisme et à l'agriculture, les agents des Indiens ont cessé de consolider les alliances militaires pour pousser les Autochtones à abandonner leurs modes de vie traditionnels et à adopter un mode de vie plus sédentaire et axé sur l'agriculture, comme celui des Britanniques.

Les Traités Robinson

Des traités de cession ont continué à être conclus jusqu'en 1862. Dans l'ensemble, ces traités constituaient des accords négociés avec un seul groupe autochtone et portaient sur des parcelles de terre relativement petites. En 1850, deux traités hors normes allaient établir un modèle pour les futurs traités dans l'Ouest. À mesure que les terres se remplissaient dans les colonies, l'attention s'est tournée pour la première fois vers les régions du Nord, oû des minerais avaient été découverts sur les berges du lac Supérieur et du lac Huron. Deux traités, baptisés les Traités Robinson-Huron et Robinson-Supérieur, ont été négociés avec divers peuples ojibway habitant la région qui ont cédé à la Couronne leurs terres et leurs droits en échange de réserves, de annuitiés et du maintien de leur droit de chasse et de pêche sur les terres inoccupées du domaine public. Cette façon de conclure des accords avec de nombreuses bandes pour de vastes pans de terre allait devenir le modèle pour les traités numérotés conclus après la Confédération.

Traités Douglas, 1850-1854

Sur la côte ouest nord-américaine, le rapport que les colons européens avaient établi avec les Autochtones de la région était très différent. Pendant des années, la colonie avait été éclipsée par les aspirations commerciales de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Détentrice du monopole du commerce pour toute la portion britannique du territoire de l'Oregon, la Compagnie de la Baie d'Hudson se contentait de limiter ses rapports diplomatiques avec les Autochtones de la côte ouest aux seules questions commerciales reliées au commerce de la fourrure. À la suite du déplacement du principal poste de la Compagnie vers l'île de Vancouver et d'un nouveau mandat d'établissement d'une colonie, James Douglas, le chief factor de la Compagnie de la Baie d'Hudson et gouverneur de la colonie après 1854, a négocié 14 traités avec diverses groupes des Salish du littoral, sur l'île de Vancouver, de 1850 à 1854. Ces traités cédaient les terres nécessaires à la colonie autour de divers postes de la Compagnie de la Baie d'Hudson, en échange de versements forfaitaires d'argent et de biens, ainsi que du maintien du droit de chasser et de pêcher. La négociation de traités a connu un repli dans les années 1860 en raison de la réticence de la Colombie-Britannique à reconnaître les titres fonciers des Autochtones, contrairement à tous les autres territoires britanniques.

L'époque canadienne 1867-Présent

La Confédération et la Loi sur les Indiens

La création du dominion du Canada en 1867 marqua un tournant dans les relations entre la Couronne et les peuples autochtones. En vertu de l'article 91(24) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, le gouvernement fédéral du Canada exerçait l'autorité législative sur « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens ». Pour les Autochtones, cela représentait un important changement de rapport avec les autorités coloniales. Grâce au Ministère des Affaires indiennes, le dominion du Canada pouvait élaborer des politiques nationales qui allaient avoir une incidence sur tous les peuples autochtones et établir des politiques à un échelon plus local, dans un contexte national. L'un des principaux objectifs du ministère visait à fusionner ces diverses politiques. Entre 1868 et 1876, ces politiques ont été fusionnées dans la Loi sur les Indiens. Cette loi touchait de nombreux aspects de la vie des Autochtones, établissant par exemple les critères d'appartenance ainsi le fonctionnement interne des bandes. À la suite d'une série de modifications et d'amendements, la Loi sur les Indiens allait contrôler et influencer presque tous les aspects de la vie quotidienne des Autochtones au Canada.

Les traités numérotés

En 1869, après près de 200 ans de contrôle, la Compagnie de la Baie d'Hudson a cédé la charte de la Terre de Rupert au dominion du Canada. Grâce à cette cession, le Canada a obtenu le contrôle de toutes les ressources dans ce qui constitue aujourd'hui les Territoires du Nord-Ouest. Ce contrôle permettait également d'utiliser une région fertile à des fins de colonisation et d'agriculture. La cession de la Terre de Rupert a suscité une animosité considérable parmi les Autochtones et les Métis des territoires, qui voyaient cet acte comme la vente de leurs terres traditionnelles sans qu'ils aient été consultés et sans leur consentement. Pour la population métisse de la colonie de la rivière Rouge, cette animosité à l'égard du Canada s'est transformée en révolte ouverte et a mené, en 1869, à la création d'un gouvernement provisoire dirigé par Louis Riel. Seule la création de la province du Manitoba en 1870 allait permettre de résoudre cette crise.

Avant qu'une colonisation coordonnée puisse être entreprise, il fallait résoudre la question des titres fonciers des Autochtones dans l'ensemble des Territoires du Nord-Ouest. La Couronne avait plusieurs raisons d'aborder cette question, notamment pour ouvrir la voie à la colonisation, mais également pour assurer la souveraineté canadienne sur un immense territoire. La crainte qu'une expansion des Américains franchisse le 49e parallèle était constante, surtout à la lumière de la colonisation rapide au sud de la frontière. Voyant les événements dans les territoires américains, le gouvernement canadien voulait également éviter le type de conflits onéreux contre les Autochtones qui avaient été menées dans l'Ouest américain. Vers 1870, les peuples autochtones des Prairies étaient dans une situation de plus en plus précaire. L'intensification de la chasse dans le Nord- Ouest canadien et dans l'Ouest américain avait considérablement réduit le nombre de bisons des plaines. Moins de 15 ans après la cession de la Terre de Rupert au Canada, les bisons avaient disparu des Territoires du Nord-Ouest.

Les groupes autochtones n'étaient pas contre un processus de traités et, dans bien des cas, ont exercé des pressions pour que le Canada négocie des traités dans des régions alors qu'il n'était pas prêt à le faire. Les signataires autochtones avaient leurs propres raisons de conclure des traités avec la Couronne. Dans l'ensemble, ils s'attendaient à ce que le Canada leur vienne en aide au cours de cette période de bouleversements profonds dans leur vie. Voyant leur peuple frappé par les épidémies et la famine, les chefs autochtones souhaitaient que le gouvernement contribue à prendre soin de leur peuple en détresse et les aide à s'adapter à leur contexte économique changeant alors que les troupeaux de bisons avaient presque disparu et que la Compagnie de la Baie d'Hudson déplaçait ses activités vers le nord.

Pour toutes ces raisons, le Canada a décidé de négocier des traités avec les peuples autochtones des Prairies. S'inspirant des Traités Robinson de 1850, ces traités cédaient de vastes parcelles de terres appartenant à de nombreuses bandes regroupées pour les négociations. Ces traités étaient plus que de simples cessions de terres puisqu'ils comprenaient des paiements forfaitaires uniques, les signataires des traités recevraient des annuités, une réserve par bande, le maintien des droits de chasse et de pêche sur les terres inoccupées de la Couronne, des écoles, des instruments aratoires, du bétail, des munitions ainsi que des médailles, des drapeaux et des vêtements. Entre 1871 et 1921, la Couronne a signé 11 traités, connus sous le nom de traités numérotés, divisés en deux groupes : ceux qui portent sur la colonisation au sud, et ceux qui portent sur l'accès aux ressources naturelles au nord. Conclus entre 1871 et 1877, les traités nos 1 à 7 ont pavé la voie pour ouvrir les terres des Territoires du Nord-Ouest à la colonisation agricole, construire un chemin de fer reliant la Colombie-Britannique à l'Ontario et affirmer la souveraineté du Canada sur les terres au nord de la frontière avec les États-Unis. Après une interruption de 22 ans, les négociations de traités ont repris entre 1899 et 1921 afin d'assurer et de faciliter l'accès aux ressources naturelles riches et étendues du Nord canadien. Ces traités ont permis à l'État d'obtenir le titre foncier de près de la moitié du territoire canadien, d'affirmer sa souveraineté au nord de la frontière, d'ouvrir l'Ouest à la colonisation et de relier la Colombie-Britannique au reste du pays.

La Loi sur les Indiens

Tandis que des traités étaient en cours de négociation dans l'Ouest, une loi a été promulguée en 1876 qui aurait des répercussions profondes et durables sur les Premières nations dans tout le Canada. Les lois existantes qui avaient une incidence sur les Autochtones établis dans tout le Canada ont été fusionnées pour former la Loi sur les Indiens de 1876. Cette loi conférait un pouvoir accru au Ministère des Affaires indiennes en lui donnant le droit d'intervenir dans une vaste gamme de questions internes relatives aux bandes et de prendre des décisions stratégiques dans tous les domaines, tels que l'établissement des critères servant à déterminer qui est un Indien, la gestion des terres, des ressources et de l'argent des Indiens, le contrôle de l'accès aux substances intoxicantes et la promotion de la « civilisation ». Le principe central sur lequel reposait la loi était qu'il incombait à l'État de s'occuper des Autochtones et de veiller à leurs intérêts en agissant comme « tuteur » tant et aussi longtemps qu'ils n'atteindraient pas le degré de raffinement nécessaire pour s'intégrer pleinement à la société canadienne. La Loi sur les Indiens a été souvent modifié au cours des 70 ans qui ont suivi sa promulgation, en 1876. Ces amendements portaient en grande partie sur l'assimilation et la civilisation des Autochtones. Les modifications apportées à la Loi sur les Indiens sont devenues de plus en plus restrictives et ont imposé des contrôles plus stricts sur la vie des peuples autochtones.

Recul du paternalisme

En 1946, un comité parlementaire mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes a été mis sur pied pour revoir les politiques du Canada en matière d'affaires indiennes ainsi que la gestion des affaires indiennes, à la lumière de la participation des Canadiens autochtones à la Première et à la Deuxième Guerre mondiale ainsi qu'à la guerre de Corée. Pendant trois ans, le comité a reçu des mémoires et des représentations des Premières nations, de missionnaires, d'enseignants et de fonctionnaires fédéraux. Ces audiences ont constitué pour les chefs et les aînés des Premières nations une des premières occasions de s'adresser directement aux parlementaires plutôt que par l'entremise du Ministère des Affaires indiennes. Dans l'ensemble, les membres des Premières nations rejetaient le concept d'assimilation culturelle dans la société non autochtone. De nombreux groupes ont demandé que ces pouvoirs « étendus et discrétionnaires » soient conférés aux chefs et aux conseillers dans les réserves afin qu'ils puissent prendre des décisions sur les questions relatives à l'appartenance à la bande et gérer leurs propres fonds et réserves. Bien qu'il ne soit pas allé jusqu'à recommander l'abolition de la Loi sur les Indiens et de ses politiques d'assimilation, le comité mixte a recommandé que certains éléments obligatoires et unilatéraux de la Loi soient revus, et leur portée réduite. De plus, le comité a recommandé qu'une commission de règlement des demandes soit mise sur pied pour entendre les problèmes qui découlaient de l'application des traités. Certaines de ces recommandations ont été intégrées à une série de modifications de la Loi sur les Indiens et adoptées en 1951.

Le règlement des revendications des Premières nations

Au début de 1970, de nouvelles politiques étaient en cours d'élaboration pour améliorer le traitement des revendications et des droits autochtones. En 1973, la Politique sur les revendications globales et la Politique sur les revendications particulières ont été adoptées pour traiter ces questions précises. Après trois arrêts clefs qui ont entraîné une évolution dans la reconnaissance des droits autochtones au Canada, la décision de 1972 de la Cour supérieure du Québec sur les Cris du Nord québécois, l'arrêt Calder prononcé par la Cour suprême du Canada en 1973, et l'arrêt Paulette de 1973 dans les Territoires du Nord-Ouest, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a annoncé un processus visant le règlement des revendications territoriales par un processus de négociations dans lequel les droits et titres autochtones étaient cédés à l'État en vertu d'une entente de règlement qui garantissait des droits et des avantages définis pour les signataires. La première entente négociée en vertu de cette nouvelle politique a été conclue en 1975 avec les Cris du Nord québécois. Depuis 1975, la Politique sur les revendications globales a été modifiée en réaction aux préoccupations et aux positions autochtones, notamment en 1986, lorsque de nouvelles possibilités relativement à la cession de droits et de titres ont été intégrées et qu'une portée plus grande a été donnée aux droits et à d'autres questions, et en 1991, lorsque la limite sur le nombre de négociations en cours a été levée. La négociation de revendications globales constitue un processus long et laborieux, qui exige de nombreuses années. Depuis 1975, 22 ententes de règlement de revendications territoriales globales, connues sous le nom de « traités modernes », ont été conclues dans le Nord du Québec, les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon et en Colombie-Britannique.

Dans le cadre d'un examen plus large de la façon dont le Canada traite les revendications des Premières nations, une politique complémentaire a été élaborée en 1973 afin de traiter les revendications plus particulières. Tandis que la Politique sur les revendications globales allait traiter les questions découlant de revendications sur le titre autochtone, la Politique sur les revendications particulières traitait les revendications relatives au non-respect d'« obligations juridiques » découlant de la Loi sur les Indiens ou de traités. La politique a été modifiée au milieu des années 1980 et à nouveau au début des années 1990 dans le but de l'améliorer, alors que la Commission sur les revendications particulières des Indiens a été créée pour examiner les décisions en matière de revendications autochtones et formuler des recommandations. Bien que les modifications apportées à la politique aient permis le traitement d'un plus grand nombre de revendications, la complexité, le nombre et la diversité des revendications sont devenus de plus en plus difficiles à gérer, entraînant souvent des retards prolongés. En 2006, le Comité du Sénat permanent des peuples autochtones a recommandé que le gouvernement établisse un nouveau processus et un fonds consacré aux revendications particulières. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a par la suite adopté une stratégie unique selon laquelle des organismes autochtones, tel que l'Assemblée des Premières Nations, ont participé à l'élaboration de la nouvelle Politique sur les revendications particulières. Entrée en vigueur le 16 octobre 2008, la Loi sur le Tribunal des revendications particulières a créé un organisme juridictionnel indépendant connu sous le nom de Tribunal des revendications particulières apte à rendre des décisions exécutoires relatives à la validité des revendications et la compensation.

« Les droits existants – ancestraux ou issus de traités »

Alors que des préoccupations se manifestaient au sujet de l'émergence croissante du mouvement séparatiste au Québec, au cours des années 1970, le gouvernement Trudeau a entrepris une série de pourparlers constitutionnels avec les premiers ministres provinciaux visant la réforme et le rapatriement de la Constitution canadienne entre 1977 et 1981. Au fil des hauts et des bas des négociations entre dirigeants fédéraux et provinciaux, les organisations politiques des Premières nations, des Inuits et des Métis ont tenté en vain de participer aux négociations constitutionnelles. Lorsqu'une offre constitutionnelle a été annoncée, en 1981, comprenant une Charte des droits et libertés, les droits ancestraux et issus de traités avaient été exclus de la liste. Toutefois, après plusieurs mois de lobbying et de pressions, les organisations des Premières nations, des Inuits et des Métis ont réussi à faire intégrer deux clauses à la Charte des droits et libertés reconnaissant « les droits existants – ancestraux ou issus de traités » ainsi qu'une définition des Autochtones qui comprenait l'ensemble des trois groupes. Étant donné que « les droits existants – ancestraux ou issus de traités » ne sont pas définis dans l'article 35 de la Charte des droits et libertés, une série de conférences a été tenue de 1983 à 1987 afin de définir et de clarifier ces droits. Toutefois, ces conférences n'ont pas permis de dégager un consensus ou de définir ces droits en raison de désaccords entre les provinces, le Canada et les groupes autochtones.

En l'absence de consensus sur une définition claire de ce qui constitue « les droits existants – ancestraux ou issus de traités », ce sont les tribunaux qui ont dû se pencher sur la question. En raison de l'article 35 à la Charte des droits et libertés, lorsque des droits étaient contestés, il fallait prouver leur existence devant les tribunaux. Les Premières nations, les Inuits et les Métis se sont donc tournés – collectivement et individuellement – vers les tribunaux pour définir non seulement la portée et l'étendue de leurs droits, mais également pour identifier et reconnaître des droits et des traités. Plusieurs affaires judiciaires ont contribué à définir ces droits ancestraux et issus de traités et à orienter les politiques et les programmes gouvernementaux de façon à respecter ces droits et à en prévenir la violation.

Droit inhérent à l'autonomie gouvernementale

En 1995, en réaction aux revendications d'une plus grande autonomie des Premières nations et à une reconnaissance grandissante du droit des Autochtones à l'autonomie gouvernementale, le gouvernement du Canada a lancé une nouvelle politique, la Politique sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, afin de négocier des ententes concrètes avec les Premières nations pour que le retour à l'autonomie gouvernementale se concrétise. Les accords sur l'autonomie gouvernementale permettent d'établir un nouveau partenariat entre les peuples autochtones et le gouvernement fédéral afin de mettre en application ce droit. Cette politique reconnaît également qu'aucune forme unique de gouvernement ne pourrait convenir à toutes les collectivités autochtones. Les accords sur l'autonomie gouvernementale pourraient donc prendre de nombreuses formes selon les contextes historique, culturel, politique et économique particuliers des Premières nations. Depuis l'adoption de cette politique, 17 accords sur l'autonomie gouvernementale ont été négociés, dont plusieurs font partie d'ententes relatives aux revendications territoriales globales.

Rôle continu des traités

Un examen de l'évolution du processus des traités au Canada ne peut se faire sans un examen de l'évolution historique du Canada et de la façon dont il a été façonné. Le long débat sur les rapports fondés sur des traités et les négociations modernes de ces rapports par un processus de revendications globales continuent d'exercer une influence formative sur le Canada et d'orienter la direction qu'il prendra à l'avenir. À mesure que de nouveaux traités sont signés, de nouveaux rapports s'inscrivent dans la relation globale fondée sur des traités entre le Canada et les Premières nations. Cette relation définit non seulement les droits et les obligations mutuels, mais aide aussi le Canada et les Premières nations à travailler de façon plus productive et avec plus de collaboration afin d'améliorer la vie des Autochtones et celle de tous les Canadiens.

Des traités et du gouvernement autochtone
Affaires indiennes et du Nord Canada
10, rue Wellington
Gatineau, (QC), K1A 0H4

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